En général, nos anciens puent. Ils n’aiment plus se laver. Comme s’ils se foutaient d’arriver cradingues au paradis.
Le matin, pendant la toilette, on se fait souvent engueuler. Et lorsqu’on fait remarquer aux indépendants qu’il faut prendre une douche, idem. On doit insister.
Hélène, elle, ne pue jamais. Elle sent le bébé.
La première fois que je me suis retrouvée seule avec elle c’était un soir de Noël. Ça faisait un mois que je travaillais aux Hortensias. J’étais de garde. L’infirmière m’avait dit de la surveiller parce qu’elle avait un peu de fièvre. Je suis montée relever sa température. Elle m’a pris la main. Ça m’a donné envie de chialer parce que personne n’avait jamais eu de geste aussi tendre avec moi. C’était quelque chose de maternel que je ne connaissais pas. Enfant, quand ma grand-mère me touchait, c’était toujours avec un gant de toilette.
– Quel temps fait-il sur votre plage ? j’ai demandé.
– Beau. En ce moment c’est le mois d’août. Il y a du monde.
– N’oubliez pas de vous protéger du soleil.
– J’ai mon grand chapeau.
– C’est beau ce que vous voyez ?
– C’est la Méditerranée. C’est toujours beau la Méditerranée. Comment tu t’appelles ?
– Justine.
– Tu viens souvent ?
– Presque tous les jours.
– Tu veux que je te parle de Lucien ?
– Oui.
– Viens par ici. Colle ton oreille contre ma bouche.
Je me suis penchée contre elle. J’ai entendu ce que l’on entend à l’intérieur d’un coquillage : ce que l’on a envie d’entendre.