Thomas ne réfléchit pas, il se précipita. Il s’accroupit auprès d’Emma en lui posant la main sur l’épaule.
— Tu n’as rien ?
Elle leva les yeux vers lui, sous le choc.
— Ça va, mais ils ont mon sac…
Thomas vit ses larmes. Son sang ne fit qu’un tour. Il se lança aussitôt à la poursuite des voleurs, confiant sa fille à une femme qui s’était approchée pour lui porter secours. Il n’avait jamais couru ainsi. Il s’était toujours montré bon à la course, mais il avait cette fois une motivation inédite. Les deux lascars avaient de l’avance, sans doute convaincus que personne n’oserait les pourchasser. Thomas cavala aussi vite que possible mais ne les voyant pas, il commença à croire qu’il les avait perdus. Il se sentit soudain envahi par un profond sentiment de rage. Cette fois, il refusait que la situation lui échappe. Il n’admettait pas de ne pas pouvoir protéger la victime.
C’est alors qu’il les aperçut dans une ruelle. Il ne se demanda pas ce qu’il risquait.
— Rendez-moi ce sac immédiatement.
— Reste en dehors de ça, mec. C’est pas ton business.
— Arrêtez de fouiller ce sac qui ne vous appartient pas et donnez-le-moi.
— C’est pas ton sac non plus, ma poule, alors si tu veux pas d’ennuis, dégage.
Thomas continuait à avancer vers eux. Le plus grand confia son butin à l’autre et s’interposa :
— T’es quoi, un justicier ? T’as été piqué par une araignée à la con et tu vas nous capturer dans une toile ?
Thomas n’était pas dans son état normal.
— Pour la dernière fois, fit-il entre ses dents, je vous demande de me rendre ce sac et l’ensemble de son contenu.
— « Et l’ensemble de son contenu » ? Pas mal. T’as dû faire des études, toi.
Thomas et le grand voleur se faisaient face. Le voyou lâcha :
— Dis donc, t’es pas de première jeunesse. T’as l’air en forme pourtant…
Thomas ne répondit pas et le chargea directement. De toutes ses forces, il le frappa au plexus et lui asséna un violent coup de pied au bas-ventre. Le voleur, pris de court, se plia sur lui-même sous l’assaut et s’écroula en jurant. Son complice lâcha le sac et menaça :
— T’es pas bien ? Qu’est-ce que t’as fait à mon pote ? Je vais te saigner…
Thomas ne le laissa pas finir sa phrase et se jeta sur lui. Le docteur était ivre de rage. Il le roua de coups. Au visage, à la poitrine. Il frappait avec violence. L’autre se défendit avec une réelle vigueur, mais rien n’arrêtait Thomas, qui ne sentait même pas les attaques. Le plus petit des deux voyous finit à terre, dominé, au moment où le grand se relevait, grimaçant, en se tenant la poitrine. Thomas, la lèvre tuméfiée, pointa un index menaçant vers lui et lança :
— Si tu me cherches encore, je te jure que je te tue. Je sais comment faire.
— T’es un vrai malade.
— C’est ça, je suis un vrai malade. Et toi, t’es sûrement un type bien.
Profitant d’une seconde d’inattention de Thomas, le plus petit tenta de le faucher, mais il ne récolta qu’un violent coup de pied dans les côtes. Il poussa un hurlement de douleur et rampa pour se dégager. En se tenant le bras, il prit la fuite, aussitôt imité par son acolyte. Une fois hors d’atteinte, le plus grand se retourna.
— Avec mes potes, on va te retrouver et tu vas payer !
Ils disparurent au coin de la ruelle. Thomas relâcha son souffle. Il avait le goût du sang dans la bouche. En se penchant pour ramasser le contenu du sac éparpillé sur le sol, il faillit perdre l’équilibre. Sa vue se brouillait. Le portefeuille était là, le téléphone aussi. Il tomba à genoux. Une chance que les deux petits fumiers soient partis, parce qu’il n’aurait pas tenu un round de plus.