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Alerté par le bruit à l’extérieur, Thomas leva le nez de ses fichus documents comptables. Le mélange d’aboiements et de cris d’enfant signifiait deux choses : Théo était arrivé, et il avait découvert Attila.

Dans le jardin, difficile de savoir qui, du jeune humain ou du canidé, était le plus excité, tellement ils couraient dans tous les sens. Mais là encore, chacun des deux semblait y trouver son compte. Michael prenait garde de maintenir leurs jeux turbulents à bonne distance du secteur des félins. À ses côtés, Pauline se réjouissait de voir son garçon aussi heureux.

— Qu’est-ce que Théo a dans le nez ? demanda le docteur en les rejoignant.

— Il saigne dès qu’il a une forte émotion, alors vous imaginez quand il s’est trouvé face à face avec le monstre… J’ai improvisé avec ce que j’avais sous la main.

Attila et l’enfant s’en donnaient à cœur joie. Le chien avait vite compris la règle du jeu : Théo courait en cherchant à se cacher, et Attila se lançait alors à sa poursuite en jappant. Durée moyenne de la partie : vingt secondes. Thomas savait mieux que personne qu’à ce sport, le roi des Huns était imbattable. Lui-même n’avait pas tenu aussi longtemps…

Michael ne lâchait pas son animal des yeux. Le fait que le chien se montre d’une patience remarquable avec l’enfant ne semblait pas le rassurer.

Comme une fusée, Attila revint du verger et fonça sur le petit, qu’il évita de justesse en le frôlant. Sans doute un nouveau jeu. Une sorte de bowling à une quille dans lequel le chien n’allait pas tarder à faire un strike.

Pauline glissa au docteur :

— Je n’ai pas voulu vous déranger, mais la fille et le gendre de Mme Trémélio sont passés.

— Je les saluerai tout à l’heure.

— Ils sont déjà repartis. Ils ne venaient que pour une chose…

— C’est-à-dire ?

— Ils ne traînent jamais. Pas de temps à perdre. Dès qu’ils ont leur chèque, ils filent.

— Hélène m’a dit qu’ils font construire et qu’elle les aide. Ils ont promis de la faire venir une fois les travaux finis.

— Ça, c’est la version officielle. Si vous voulez mon avis, ils vont lui pomper toutes ses économies et ils trouveront un prétexte pour la laisser là où elle est — si elle en a encore les moyens.

— Vous voyez le mal partout.

— C’est plutôt vous qui avez une vision idyllique de vos semblables.

Attiré par l’agitation, Francis sortit à son tour dans le jardin.

— Salut la compagnie ! Bonjour Théo !

Le petit répondit de loin alors qu’il tentait d’échapper au chien en tournant autour d’un cerisier. Michael paraissait inquiet de voir son chien hors de contrôle. Pauline interpella son fils :

— Mon chéri, il va falloir rentrer. M. Tibene et le docteur ont du travail, et moi je dois préparer le déjeuner.

— Laissez-le s’amuser. Je peux rester pour les surveiller, proposa Francis.

— Vous êtes sans doute le moins raisonnable des trois, plaisanta l’infirmière. Celui à qui je ferais le plus confiance pour garder les deux autres, c’est encore le chien.

— Jeune fille, j’ai commandé des pelotons de bleus pendant trente ans. Je dois pouvoir m’en sortir avec ces deux-là.

— Comme vous voudrez, mais je vous rapporte un gilet. Il ne fait pas si chaud.

Lancés à fond, le chien et Théo passèrent devant Francis à toute allure. Le Colonel ouvrit de grands yeux :

— Qui a mis un Tampax dans le nez du petit ?

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