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— Monsieur Ferreira, puis-je vous parler en particulier ?

L’homme à la canne rajusta ses lunettes et se cambra.

— Je ne sais pas ce que l’on vous a raconté, docteur, mais c’est faux. C’est de la pure calomnie. Je n’ai volé aucun sablé au citron et ce n’est pas moi qui ai joué avec la perruque de Chantal l’autre nuit.

— Tout ça n’a rien à voir avec les sujets que je souhaite aborder. Voulez-vous me suivre dans mon bureau ?

Visiblement soulagé, Jean-Michel accompagna Thomas en avalant deux petits bonbons, comme s’il s’offrait une récompense. Le docteur ferma la porte derrière eux et invita le vieux monsieur à prendre place dans le fauteuil.

— Monsieur Ferreira, je vais être direct. Malgré les petits lapins sur les murs et les jouets qui encombrent les réserves, vous n’êtes plus un enfant, n’est-ce pas ?

Jean-Michel haussa les sourcils.

— Je n’ai pas à me mêler de votre vie, continua le médecin, mais je souhaite vous garder en forme le plus longtemps possible. C’est pourquoi je vais me permettre un conseil.

— Je vous écoute, docteur.

— Si j’étais vous, je réduirais très sérieusement ma consommation de confiseries. À vous seul, vous devez en ingurgiter plus que tous les pensionnaires de ce lieu à l’époque où il était à la fois une crèche et une garderie. Ce n’est bon ni pour votre tension, ni pour votre glycémie. En mangeant autant de bonbons, vous vous mettez en danger.

— Vous avez vu mes analyses ? Elles sont mauvaises, c’est ça ?

— Les dernières effectuées n’étaient pas trop alarmantes. Vous pouvez remercier votre métabolisme. Avec ce que vous avalez, n’importe qui aurait des résultats bien plus préoccupants. Mais ne forcez pas votre chance. C’est un conseil d’ami. M’avez-vous compris ?

— Tout à fait, docteur, je vais faire un effort.

— Très bien. Et maintenant, sur un autre plan, j’ai vu que vous comptiez partir trois jours la semaine prochaine ?

— Pour aller rendre visite à ma femme. Elle est hospitalisée dans le Nord. Mon fils devait m’emmener mais il n’est plus disponible. Je ne sais pas s’il a un mariage ou un divorce… C’est peut-être sa femme qui se marie ou lui qui divorce, je n’y comprends rien. Alors comme un grand, je vais y aller par le train. Pauline m’a pris les billets.

— Pour quelle pathologie votre femme est-elle hospitalisée ?

— Un diabète chronique avec de grosses complications. Ils lui ont déjà amputé la moitié d’une jambe.

— Elle sera heureuse de vous voir. Je vous conseille d’autant plus de veiller sur votre santé pour rester capable de vous rendre à son chevet le plus souvent possible. Je suis certain que vous ne souhaitez pas entendre la phrase qui vous annoncera que vous ne pouvez plus y aller. N’est-ce pas ?

— Pour sûr.

— Je compte donc sur vous.

— Mes prochaines analyses sont programmées pour bientôt ?

— Dans quelques semaines, le temps d’assainir votre alimentation et d’en mesurer les effets bénéfiques.

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