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Thomas avait déjà été dévisagé par des gens, et sous toutes les coutures, notamment par les enfants d’Ambar la première fois qu’il était arrivé au village. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’il avait appris sa première phrase en hindi : « Ta braguette est ouverte. » Les adultes s’étaient montrés plus discrets mais les petits ne s’étaient pas gênés pour venir se planter sous son nez en l’épluchant de la tête aux pieds. C’était exactement ce qui lui arrivait à présent.

Pauline commença les présentations :

— Voici Françoise, notre benjamine…

Francis la coupa :

— Poil à la babine. Excusez-moi, mais on pourrait peut-être lui épargner le catalogue des vieux croûtons et de leurs analyses médicales. Vous lui avez dit qu’il aurait nos dossiers. Par contre, nous, on n’aura pas de fiche sur lui. Alors, docteur, pouvons-nous vous poser des questions ?

— Je vous en prie.

Chantal se lança la première :

— Vous êtes drôlement bronzé, où étiez-vous en vacances ?

— Je ne reviens pas de congés mais d’Inde, où je travaillais.

— C’est quoi votre travail ?

— Je soignais des gens. Je suis médecin.

Francis ouvrit de grands yeux.

— Vous viviez avec des Indiens ?

— Depuis huit ans.

— Vous étiez dans une réserve ? demanda Chantal. Vous aviez un arc et vous mangiez du bison ?

— Je n’étais pas chez les Indiens d’Amérique, mais chez les habitants de l’Inde. Le pays des petits cochons.

— Pourquoi diable avez-vous vécu huit ans avec des cochons d’Inde ? s’étonna Hélène.

— C’était simplement une référence, pour vous aider à situer. Je vivais dans une vallée isolée du sud du Cachemire, tout près de la frontière pakistanaise.

— Les pulls en cachemire doivent être drôlement moins chers là-bas…

— Vous avez déjà mangé du chat ? questionna Chantal.

— Les Indiens ne mangent pas de chat.

— Ce sont les Esquimaux qui bouffent les chats ! s’exclama Jean-Michel.

— Les Esquimaux ne mangent pas les chats non plus, précisa le docteur.

Il croisa le regard de Pauline, qui s’amusait visiblement beaucoup de la tournure que prenait la conversation. Hélène demanda :

— Est-ce que vous accepterez que Théo continue à venir nous voir ?

— Qui est Théo ?

— Le fils de Pauline. Il est adorable, on l’aide à faire ses devoirs et il joue avec nous.

L’infirmière intervint, un peu gênée :

— L’ancien directeur me laissait l’amener parce que cela me permettait de rester plus longtemps…

— Si tout le monde apprécie, je ne vois pas pourquoi il faudrait changer.

Francis demanda soudain :

— Vous avez déjà fait l’amour à trois ?

Les quatre femmes protestèrent avec véhémence et Jean-Michel leva les yeux au ciel.

— Excusez-le, monsieur le directeur, c’est un cochon !

— Et pas un cochon d’Inde comme ceux avec qui vous avez vécu huit ans, précisa Hélène.

— Docteur, ne répondez pas, cela ne regarde personne ! Vous faites ce que vous voulez avec les Indiens dans leurs tipis.

Alors que chacun partait dans une sorte de délire dont même Pauline avait perdu le fil, Françoise demanda d’une voix très calme :

— Et sinon, docteur, avez-vous des enfants ?

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