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— Qu’ils soient de notre sang ou pas, on s’en fait toujours pour nos petits, déclara Jean-Michel. Finalement, d’une façon ou d’une autre, chacun de nous aura eu des enfants.

— Même Chantal ? s’étonna Thomas.

— Quand elle était très jeune, elle a eu une fille, qui a été emportée par une maladie. J’ignore laquelle. Elle n’en a parlé qu’une fois. Je crois que c’est sa photo qu’elle garde sur sa commode.

Désemparé par ce qu’avait fait Romain, Thomas s’était tourné vers les deux seuls « pères » qu’il connaissait assez pour leur parler franchement. Il avait besoin de réponses. Face à lui, Francis et Jean-Michel n’avaient pas envie de plaisanter. Sur de très rares sujets, les hommes savent aussi être sérieux.

— Vous savez, doc, si l’un de mes bleus s’était retrouvé dans la situation du gamin, je lui aurais conseillé de s’excuser. C’est la base. Les gens demandent rarement pardon poussés par leur conscience, mais parce qu’ils ont intérêt à sauver le coup. Les humains ne renoncent pas souvent à leur fierté. Il faut qu’ils aient un intérêt plus grand à la faire taire qu’à tout lui sacrifier. Seuls les moins stupides comprennent que l’orgueil n’est jamais l’allié du bonheur. Plus celui ou celle qu’ils ont blessé compte pour eux, plus ils sont prêts à étouffer leur amour-propre pour préserver le futur. Si Romain l’aime vraiment, il se bougera, et je vous parie que la petite sera heureuse de l’entendre.

Jean-Michel approuva d’un hochement de tête.

— Je n’ai eu qu’un fils, docteur. J’ai essayé de lui apprendre tout ce que je savais. Mais ce n’est pas parce qu’un enfant est de votre sang qu’il réagit comme vous. Mon fils est bien plus intelligent que moi, mais il a toujours fait n’importe quoi avec les femmes. La moindre paire de seins l’empêche de réfléchir. Je crois qu’il en souffre. Il faut espérer que Romain prendra la bonne décision. Votre position n’est pas simple. Tout ce que vous avez fait pour ce jeune homme était destiné à aider votre fille, n’est-ce pas ?

— Je n’ai jamais voulu me servir de lui.

— Alors il faut lui dire ce que vous croyez comme s’il était votre fils, et accepter ce qu’il fera comme s’il était un ami.

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