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Deux minutes. Deux minutes de paralysie absolue, où Abigaël n’arrivait plus à voir l’écran, seulement la surface floue du rebord métallique. Elle avait mal vu, Léa ne pouvait pas être vivante. Autour, des craquements, des sifflements. Le feu jouait, narguait. Une fois qu’elle eut recouvré l’usage de ses muscles, elle ne pensa plus à la douleur et se tourna vers le moniteur.

Nouveau choc. Léa était toujours là, immobile, les yeux rivés sur elle. Abigaël écrasa deux doigts sur le visage pixélisé de sa fille.

— Léa, Léa ! Parle-moi !

Celle-ci semblait lui répondre, avec ses yeux embués de larmes et ses lèvres qui bougeaient imperceptiblement. Abigaël crut y lire « maman ». Puis la jeune fille baissa la tête, s’avança et disparut du champ.

— Non ! Léa !

Abigaël hurla à la mort, appelant sa fille, même si elle savait qu’il s’agissait d’un enregistrement et que Léa ne pouvait pas l’entendre. Elle s’acharna sur l’appareil, essaya d’appuyer sur le bouton cassé de rembobinage, en vain. L’image restait fixe. Elle lâcha le Caméscope, se redressa, titubante, sonnée, presque groggy, manquant de déraper vers la bouche de l’entonnoir. Ses doigts accrochèrent le rebord, elle se glissa de l’autre côté et chuta.

Elle resta couchée par terre, s’y sentant bien. Léa ne pouvait pas être revenue d’entre les morts. Tout ça n’était qu’un rêve, une construction de son esprit. Il n’y avait pas de Léa, tout comme il n’y avait pas de feu ni de lavoir.

Rien d’autre qu’un mauvais tour joué par son cerveau.

Et elle allait le prouver.

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