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— Henri IV ! C'est ça ?

Victor s'enthousiasme au téléphone.

— Il ne s'agit pas d'un jeu, monsieur Camara, mais d'un questionnaire de consommation qui peut vous permettre de remporter un très beau séjour pour deux dans une station thermale réputée.

— On est sur quelle radio ? Dites-moi, que j'allume mon poste à galène pour écouter !

— Nous ne sommes pas sur les ondes.

— Mais je ne suis pas fou, j'entends bien votre voix, et vous me posez des questions !

— Tout à fait, monsieur, je souhaite connaître vos habitudes lorsque vous faites vos courses.

— Un champion de courses automobiles, vous me demandez le nom d'un champion de Formule 1 ! Je comprends mieux. Effectivement, ça ne peut pas être Henri IV, ni le yéti. Allez, laissez-moi encore une chance, s'il vous plaît. Posez-moi votre question. J'ai combien de temps pour répondre ?

— Nous avons tout le temps nécessaire, monsieur Camara. Première question : est-ce vous ou madame qui assurez les achats d'alimentation ?

— Ma pauvre femme ne peut plus, cher monsieur, elle s'est remise à boire. Un désastre. Elle siffle même mon après-rasage. Du 40 degrés ! Vous vous rendez compte ? Après, elle essaie de me frapper, parce qu'elle a l'après-rasage mauvais. Je note d'ailleurs au passage que ce qui sent bon sur mes joues ne fleure pas aussi bon dans sa bouche.

— Donc, c'est vous qui faites les commissions.

— C'est Blanche-Neige ! J'ai gagné ? Je suis tellement content !

Il hurle dans le combiné :

— Merci beaucoup ! Vous savez, je vous écoute depuis des années à la radio, et je n'avais jamais rien gagné, en plus j'ai une maladie incur…

Le télévendeur a raccroché. Victor consulte son chronomètre. Presque trois minutes. Excellent score. Il exulte. Quel bonheur de constater qu'il existe encore des petits nouveaux qui ont foi dans leur métier pourri !

Entendant la porte de l'appartement s'ouvrir, il se lève d'un bond.

— Eugénie, c'est toi ?

— Qui veux-tu que ce soit ?

Victor envisage bien des réponses qui le feraient rire, mais il ne veut pas braquer sa moitié.

— Où étais-tu ? demande-t-il.

— Je te l'ai dit, mais tu n'écoutes rien.

— Avec Olivier, on a fixé le verrou supplémentaire sur l'entrée des artistes. Tu n'as plus à t'en faire. On a eu un peu de mal à percer parce que c'est de l'excellente ferraille, mais c'est réglé.

Eugénie débarque dans le salon et pose son sac d'emplettes. C'est donc bien elle qui les fait. Comme à chaque fois qu'elle et Victor ont été séparés quelques heures, il parle trop. Il est comme ces enfants qui, après s'être sentis seuls, racontent à l'excès et cherchent le contact pour rattraper le temps qu'ils ont trouvé si long. Il poursuit :

— Avant que j'oublie, Noémie a téléphoné. Elle était déçue de ne pas pouvoir te parler et t'embrasse. Ils ont presque fini de rénover leur salle de bains. Ils vont partir une semaine en randonnée chez des copains mais dès leur retour, elle aimerait vraiment qu'on vienne.

Eugénie se concentre.

— D'accord. On va fixer une date.

Victor ne bronche pas, mais il n'en croit pas ses oreilles. Pas de refus, pas d'excuse visant à reporter. C'est un immense pas en avant. Il continue comme si cette réponse était banale, mais au fond de lui, il jubile.

— Je te prépare un thé ?

— C'est gentil, mais tu ne sais pas le faire.

— Comme tu veux. Au fait, tu te souviens, l'enquête sur la voiture défoncée dans le parking…

— Oui ?

— Ils avancent bien. Je n'ai pas tout compris, mais ils tiennent des pistes. Une histoire d'ADN sur un débris de verre ou d'image de reflet indirect capté par la vidéosurveillance.

Eugénie n'a plus envie de se détendre. Il va falloir agir.

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