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Frapper, rosser, prendre, ravir, piller, tuer à tort… Mettre la main à l’épée, se lancer au milieu des habitants, commencer de taper à droite, à gauche, tuant beaucoup de gens. Voir notre énergie chorale, comme un accident atmosphérique, s’abattre sur des villes, des villages, les uns après les autres — en trois mois, plus de cent entre Strasbourg et Bâle. Les grincements de dents, les sifflements de feu des flèches enflammées. Les cris confus, les chocs d’armes pendant des journées entières. Et les fossés qui s’emplissent des eaux les moins potables… Entendre des croisements de fer. Massacrer les révoltes logiques de ceux qui perdent leur sang par vingt entailles. Ô l’énorme et superbe tuerie qui remue des tourbillons de feu furieux. La terre déborde de sang, piétinée par tous les homicides. De toutes parts, on assaille, lançant des javelines et des dards d’acier tranchants dans des ventres de femmes, d’enfants. Le fer terrible de nos épées luit moins que nos yeux où éclatent des regards joyeux. Nous ne sommes pas bonnes et douces gens mais de vilaines ordures. Les carreaux d’arbalète volent, les arcs tirent à profusion. Et tout autour, les richesses des villes alsaciennes flambent comme un milliard de tonnerres… Colmar, Mulhouse, les cités pillées où le Coquillard pond sa haine. Les bâtons munis de plusieurs chaînettes armées d’ongles de fer qui tournent dans les airs. C’est un voyage à hauts risques dans l’inconnu du rêve. Aller tout souillé de sang et de cervelle. Tiens, voilà la neige ! S’appuyer sur sa lance pour contempler cette image car le sang et la neige ensemble vous rappellent le teint frais d’Isabelle de Bruyère. Trois gouttes de sang tombent sur les flocons qui recouvrent votre main. Ces trois gouttes de sang rosissent la neige… Et vous rêvez sur les gouttes jusqu’au moment où sortent des maisons les Coquillards qui, vous voyant rêver, croient que vous dormez…

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