Elle alluma sa lampe stylo qui révéla une vieille tapisserie des années 1970, un carrelage d’un autre siècle. Des ampoules nues pendaient en guise d’éclairage. Deux, trois photos de Ramirez en pose devant sa puissante GSX-R 750 constituaient l’unique décoration.
Lucie n’arrivait pas à faire retomber la pression ni le rythme de son cœur. Elle aimait cette tension, d’ordinaire, ce reflux de peur qui maintenait en vie n’importe quel flic, mais pas cette fois. Que se passerait-il si Ramirez déboulait par surprise et qu’elle se retrouvait face à lui ? Elle jeta un œil rapide dans le salon. Fauteuils usés jusqu’à la corde mais télé neuve, du bon matériel hi-fi. Des canettes de bière vides, sur la table, quelques dessins : des lézards, des salamandres, des bestioles visqueuses… Si Ramirez en était l’auteur, on ne pouvait pas lui nier un certain talent.
Pas le temps de tout fouiller. Elle se dirigea vers la cuisine, où les poubelles étaient pleines à craquer, les casseroles sales entassées, le tout imprégné d’une odeur de nourriture rance.
Son téléphone émit un petit son et lui provoqua un sursaut. Un SMS de Sharko :
Pas drôle : Dulac a lâché le morceau avant même que j’arrive ! On boit un coup avec Nicolas. Serai de retour dans une heure. Ouvre quand même le champ’.
Elle se sentit prise à la gorge. Elle imaginait déjà Franck de retour au domicile et devant Jaya. Une heure, ça lui laissait maximum une dizaine de minutes ici. Bien trop peu à son goût.
Elle s’avança dans le couloir. En face, l’escalier s’élançait vers l’étage. À gauche, les toilettes, à droite, une porte fermée par un verrou qu’elle tourna. Une bouffée glacée la frappa en pleine figure. La fameuse cave. Briques humides, plafond bas : il fallait se courber pour descendre dans cette gorge et faire preuve d’une sacrée dose de courage. Lucie avait beau avoir vu des horreurs dans sa vie, la peur enfantine de s’aventurer sous terre en pleine nuit demeurait une épreuve à surmonter.
Elle s’engagea, un pas devant l’autre. Au troisième, une longue lamentation lui vrilla les tympans.
Un infernal et inimaginable cri de bébé.
Là-dessous, dans le noir et le froid.