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Nicolas émergea avec difficulté, le dos en charpie, sur la banquette arrière de sa voiture. Odeurs de bière, de cuir râpé et de sueur. Le bruit de deux canettes vides qui roulaient sur la banquette et se cognaient entre elles. Il se précipita sur sa portière et se laissa glisser à l’extérieur. Mains à plat et genoux au sol, il reprit son souffle, au bord de la nausée.

De son coffre de voiture, il chassa le carton du pack de bière et but la bouteille d’eau qui y traînait. Les gorgées fraîches lui donnèrent l’impression d’une purge. Dans l’alignement de son regard, dix mètres en retrait, l’habitation de Ramirez, incrustée dans sa vie comme une obsession, une cicatrice à recoudre. C’était dans le jardin de ce monstre, entre les trous creusés par la pelleteuse, qu’il avait achevé le reste de sa nuit, à boire plus que de raison.

Nicolas n’avait plus beaucoup de doutes : Franck et Lucie étaient impliqués dans la mort de Ramirez. La voix de femme entendue par Mélanie Mayeur cette nuit-là était celle d’Henebelle.

Bien sûr, il ne comprenait pas tout mais possédait un faisceau d’éléments qui, mis bout à bout, menaient sans ambiguïté au couple de flics. Cette histoire de carte de visite retrouvée dans la bouche de Mayeur avait allumé la mèche au fond de sa tête.

Lors de la garde à vue, Sharko avait donné à la jeune femme son numéro personnel et non professionnel parce qu’il avait quelque chose à cacher. Il avait eu peur qu’elle se souvienne de la sonnerie programmée sur le portable de Lucie. Nicolas en avait acquis la certitude la veille lorsque, depuis l’entrée de la ferme, il avait composé le numéro de sa collègue. L’appareil avait vibré au lieu de jouer La Chevauchée des Walkyries.

Les habitudes qui changent… Ces petits riens qui indiquent qu’un gravillon s’est glissé dans la mécanique parfaitement huilée de l’existence du couple. La photo des jumeaux qu’on apporte et qu’on pose sur le bureau. Un chien qu’on adopte au beau milieu d’une enquête. Une séance de tir matinale, à quelques heures de la découverte du corps. Leur emplacement du même côté en salle de réunion, eux qui se mettaient d’ordinaire toujours face à face…

Puis, au-delà des habitudes, il y avait les comportements. Les absences répétées de Lucie, prétextant des problèmes avec les jumeaux. Ces regards silencieux et étranges que le couple échangeait, et que Nicolas avait d’abord pris pour des problèmes conjugaux. Sans oublier l’enfer que Sharko avait traversé durant l’interrogatoire de Mayeur. Nicolas se souvenait à quel point son collègue avait été mal. Trempé de sueur, il avait dû faire une pause.

Lucie était la Pébacasi qu’il cherchait. Et Sharko, d’une façon ou d’une autre, l’avait aidée à maquiller le crime. La suite coulait de source : Franck avait tout fait pour récupérer l’enquête, afin de pouvoir contrôler de l’intérieur. Vu la nature du crime, le 36 avait été saisi. Ce matin-là, Jacques était tombé malade, aussi soudainement que bizarrement. Sharko s’était jeté sur la place de procédurier. Et le tour avait été joué.

Évidemment, il ne s’agissait que d’hypothèses. Aucune empreinte, recherche ADN impossible. De surcroît, la seule témoin, Mayeur, était morte, ce qui devait bien arranger les affaires de Sharko. Et, jusqu’à preuve du contraire, mettre son téléphone sur vibreur ou apporter la photo de ses gosses sur son bureau ne constituaient en rien un délit.

Et puis, il restait tout de même de grosses inconnues. Pourquoi Lucie était-elle entrée chez Ramirez, cette nuit-là ? Comment s’était-elle procuré la clé ? Que cherchait-elle dans cette maudite cave ? Elle et Sharko connaissaient Ramirez, assurément. Pour preuve, le flic était au courant de son autovampirisme, il avait forcément été informé du procès de 2008 bien avant le début de leur affaire. Nicolas écrasa son poing sur la tôle de sa voiture : quelque chose lui échappait.

Il était presque au bout de son enquête et n’allait pas lâcher maintenant.

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