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Quand Franck rentra, il expliqua à Lucie son tête-à-tête avec Nicolas. Elle vint le serrer dans ses bras. Était-il possible que le cauchemar prenne fin ? Qu’ils puissent envisager un avenir plus serein ?

— Tu es bien certain qu’il ne dira rien ?

— Il l’a laissé entendre, en tout cas.

Ils s’installèrent sur le canapé, soulagés. Après quelques minutes, Lucie bascula de nouveau sur leur affaire.

— Je n’irai pas interpeller Lassoui avec vous demain. Je pars tôt pour la Belgique, du côté de Spa.

— Spa ? Qu’est-ce que tu vas aller faire là-bas ?

— Matthieu Chélide a fait des recherches, il a retrouvé des infos dans un vieil article de fac de médecine, au sujet des maladies à prions, et nous a mis sur la piste d’un certain Arnaud Van Boxsom.

Elle lui tendit une vieille photo en noir et blanc, imprimée depuis Internet. Sharko découvrit le visage clair, volontaire, d’un homme assis au milieu d’une tribu d’indigènes. Des hommes de petite taille, presque nus, tenant leurs lances avec fierté.

— Van Boxsom, un médecin qui est resté, dans les années 1950, plus de dix ans auprès des Sorowai, une tribu primitive et cannibale de Nouvelle-Guinée. Là-bas, il a étudié une maladie inconnue qui décimait les membres de la tribu. Il l’a appelée le koroba. Il s’agirait de l’une des toutes premières maladies à prions, spécifique à cette peuplade isolée. La maladie s’en prenait au système nerveux central et provoquait des tremblements irrépressibles, des pertes d’équilibre, une dégénérescence, puis la mort.

— Ça semble plus proche de la vache folle que de notre maladie.

— Oui, mais les lieux, l’époque, les prions, les peintures de Duruel, tout colle. Et d’après ce qu’a raconté Chélide, Arnaud Van Boxsom est revenu aux trois quarts fou de la jungle, ses recherches ont juste fait l’objet d’articles mais, visiblement, son travail n’a jamais été reconnu par le monde médical, faute de preuves. Aujourd’hui, il vit au beau milieu de la forêt d’Ardenne, en Belgique, coupé du monde. Ça vaut le coup d’aller le voir.

— Tu y vas seule ?

— Walkowiak sera de la partie pour le côté technique.

Sharko acquiesça, puis annonça qu’il allait se coucher. Après un détour dans la chambre des enfants, il s’effondra sur son lit, vidé de ses forces. Lorsqu’il ferma les yeux, les pales d’hélicoptères, les hurlements des Viets qui se faisaient bombarder sifflaient dans sa tête. Aux portes des rêves, il vit le visage du colonel Kurtz, maquillé de vert et de marron, armé de ses yeux froids de serpent et prêt à décimer toute forme de vie.

Franck ignorait comment le film allait se terminer, mais une chose était sûre : la fin approchait.

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