Gwen

Martin peste : aucune place sur le parking de l'université Paul Sabatier ! Au volant, Seignolles sourit, placide, patient.

– On passe plus de temps à chercher des places qu'à rouler, fulmine Martin en allumant une cigarette.

Seignolles lui jette un regard en biais, presque surpris.

– Mince, je ne vous imaginais pas si râleur ! Il me semblait plutôt que vous aviez le profil du gars stoïque.

– Ne vous fiez pas aux apparences en ce qui me concerne, Luc. Il vous faudrait une imagination débordante pour faire le tour de mon caractère ! Je m'y perds moi-même.

Comment lui dire qu'il est nerveux à l'idée d'interroger Raphaël Sormand ? Rien qu'à la pensée de se retrouver face à lui... De devoir supporter son regard de chien battu qui ne dissimulera pourtant pas complètement le fauve sommeillant toujours en lui. Car Raphaël est un prédateur. Certes, il vient d'être touché violemment par la mort d'Estelle ; il n'empêche qu'il sortira griffes et crocs, connaissant la haine que lui voue Martin.

Et si Sormand était en partie responsable du décès de sa fille ? Il est évident qu'il ne l'a pas tuée. Pas directement. Mais n'a-t-il pas agencé les circonstances, l'environnement susceptibles d'avoir favorisé le drame ?

Au quatrième tour de parking, Seignolles, à l'étonnement Martin, perd son sourire et sa placidité pour prendre la décision de garer sa voiture de guingois dans un emplacement improbable. Il baisse le pare-soleil afin qu'on puisse voir distinctement sa carte de police qu'il pose en évidence sur le plateau du tableau de bord.

Il fait de plus en plus chaud. Mais le soleil ne parvient pas à s'imposer dans un ciel délavé qui menace de craquer d'un instant à l'autre pour déverser sur la ville un torrent de pluie.

Martin n'attend que cela. Il adore les orages de Toulouse. Emboîtant le pas à Seignolles, il se retrouve dans un flot d'étudiants qui vont et viennent de salle en salle, de labo en labo...

Encore une fois, Martin traverse le temps et replonge en arrière, alors qu'il poursuivait ses études dans ce même établissement. L'évocation le met mal à l'aise. Il ne se reconnaît plus dans cet univers. L'adolescent qu'il est redevenu un instant, par le seul pouvoir de sa mémoire, n'est qu'un intrus parmi ces jeunes en jeans, tennis et polos, dont certains arborent des tatouages aux avant-bras ou des piercings dans les narines.

Du coup, il accélère le pas, avançant tête baissée, plaquant sa marche sur celle de Seignolles qui, au contraire, déambule le menton haut, l'œil charmeur, conscient de l'intérêt qu'il suscite sur son passage.

« C'est vrai, admet Martin, c'est un beau mec ! Il n'est pas une seule fille qui ne se retourne sur lui. Pourtant... Un petit truc cloche, dans son attitude ! »

À la demande de Seignolles, une étudiante leur indique le labo de physique-chimie, peu après l'angle du couloir où, à cette heure-ci, ils trouveront nécessairement la chargée de cours Gwen Leroy, qui les renseignera à propos du professeur Sormand.

Martin a noté le petit sourire entendu de la jeune fille. Il reprend son chemin, escorté de Seignolles qui bombe toujours le torse de manière outrancière.

Débouchant à l'angle du couloir, ils tombent sur un petit groupe d'étudiants entourant une grande jeune femme brune qui paraît à peine plus âgée qu'eux. Des yeux d'un vert inhabituel, presque gris. Un nez fin, un peu long. Des pommettes hautes qui lui donnent un type asiatique. De jolies lèvres artificiellement rosies.

Les étudiants qui s'attardent à la fin de leur cours, principalement des garçons, forment un cénacle admiratif, buvant les paroles de la jeune femme, tels des disciples soumis.

Martin n'a pas l'intention d'attendre la fin de cette messe qui doit relever d'un rituel quotidien ; il fend le groupe et présente discrètement sa carte de police à Gwen. Mais un étudiant l'a vue et, d'un geste, fait signe à ses amis de se retirer.

– Vous êtes Gwen Leroy ? demande Martin.

– Oui, c'est moi. Vous auriez pu être plus délicat ! lui reproche la femme.

– Nous cherchons le professeur Sormand, réplique Martin avec rudesse. On nous a dit que vous pourriez nous renseigner.

Sans répondre, Gwen les invite d'un mouvement du menton à entrer dans la salle de TD où flotte une forte odeur de composants chimiques. Elle referme vivement la porte derrière eux.

– J'imagine aisément pourquoi vous cherchez Raph... le professeur Sormand... Venant de perdre sa fille, je crains qu'il ne se rende à l'université ni aujourd'hui, ni les jours prochains. À moins qu'il ne vienne ce soir à son bureau...

– Vous savez où nous pouvons le trouver actuellement ? demande Seignolles.

– Je n'en ai aucune idée..., répond-elle. Mais si je peux vous être utile...

Martin se sent désarçonné par cette femme qui affiche sa beauté avec une sorte de provocation dans la moindre de ses attitudes. Dans son regard, aussi, qu'elle tente néanmoins de maîtriser. Cependant, on y lit de temps à autre de la froideur, de la distance... de la cruauté ! se surprend à penser Martin. Voire du fanatisme...

Voyant que Martin reste muet, Seignolles prend aussitôt la relève :

– Nous sommes ici pour enquêter sur le décès de sa fille. Pouvons-nous vous poser quelques questions ?

– Bien sûr ! Estelle faisait partie de mes étudiants, et sa disparition m'attriste énormément, comme tous ses camarades, d'ailleurs. Quand vous êtes arrivés, nous parlions justement d'elle. Sans doute allons-nous manifester notre deuil par quelque initiative... Nous ignorons encore ce qu'il convient de faire.

Martin s'adosse à une paillasse carrelée et demeure silencieux, laissant son collègue poursuivre avec Gwen ; cependant, il ne cesse d'étudier cette dernière avec attention.

Seignolles sort son fameux calepin et le feuillette avec une application de collégien.

– Nous avons trouvé dans l'ordinateur d'Estelle un mail signé « C » qui disait : « J'ai les couvertures de survie. À tout à l'heure... » Auriez-vous une idée sur l'identité de ce « C » ?

Gwen grimace un sourire. Martin, qui ne la quitte pas des yeux, a compris qu'elle sait...

– Je pense à Cédric Tissier, lâche Gwen à contrecœur. Il faisait souvent équipe avec Estelle... Il est évident qu'ils étaient très liés.

– Amants ? intervient Martin.

– Je ne tenais pas la chandelle ! réplique la jeune femme avec agressivité.

Seignolles prend conscience de la tension qui s'est installée entre son collègue et la chargée de TD, sans vraiment en deviner la raison. Il toussote et reprend la parole :

– Quel genre de garçon est-ce ?

Gwen croise les bras sur sa poitrine et semble réfléchir. Elle lance un regard mauvais en direction Martin avant de répondre :

– Très intelligent... Mais terriblement introverti.

– C'est tout ? demande Martin. Permettez-moi de trouver le portrait un peu succinct !

– C'est tout !

– Avait-il cours avec vous aujourd'hui ? ajoute Seignolles.

– Oui ! Mais il n'était pas là, c'est vrai. Pensez-vous qu'il lui soit arrivé quelque chose ?

Martin se rapproche. Il perçoit physiquement l'hostilité de la jeune femme à son endroit. Une antipathie palpable, tranchante comme du silex.

– Nous aimerions le contacter. Savez-vous où il habite ?

– Oui ! Il a une chambre sur le campus. Bâtiment C, 3e étage. Porte 347, si je me souviens bien.

– Merci ! jette Martin en sortant de la classe.

Seignolles va pour le suivre, mais se ravise.

– Auriez-vous l'amabilité de me donner votre numéro de portable, au cas où nous aurions à vous joindre ?

Gwen le lui dicte ; il l'inscrit consciencieusement sur son calepin et la salue, puis sort à son tour pour rejoindre Martin qui fait les cent pas dans le couloir, tête rentrée dans les épaules, mains dans les poches.

Les cours ont repris ; les étudiants sont moins nombreux à déambuler. Une jeune fille, sans doute en retard, manque de renverser Seignolles dans sa course. Celui-ci s'en amuse en la suivant un instant des yeux.

– Vous venez, Luc ? s'impatiente Martin. Vous regarderez les jambes des filles une autre fois !

– Je vous étonnerais si je vous disais que je ne matais pas les mollets de cette gamine, chef ! Mais je n'ai pas l'impression que vous êtes dans la condition idéale pour discuter de mes goûts, n'est-ce pas ?

– En effet.

Puis Martin garde le silence jusqu'à ce qu'ils soient sortis du bâtiment, Seignolles sur ses talons respectant docilement sa mauvaise humeur. Enfin dehors, il peut allumer cette cigarette dont il avait tant envie dans la salle de classe.

L'orage qu'il espère est proche. Une imposante masse d'ombre s'étend déjà à l'ouest, progressant lentement, poisseuse et gluante, pareille à une nappe de pétrole sur la mer.

– Il faudra se méfier de cette Gwen, se décide à articuler Martin. Je ne sais pas ce qui me met mal à l'aise chez elle, ni même si elle joue le moindre rôle dans cette affaire, mais elle a trop bien pesé ses mots pour être « claire ».

– C'est votre truffe qui vous met en alerte, ou vous avez un sens de l'observation psychologique hyper développé ? Je l'ai trouvée plutôt sympa, sans être du genre à se laisser marcher sur les pieds, sans doute... Mais je n'ai rien remarqué d'anormal dans son attitude.

– Moi, si ! réplique Martin. C'est la maîtresse de Raphaël Sormand, la femme dont m'a parlé Claudia.

– Mme Maincourt vous a donné son nom ? Mince, si vous le saviez, vous auriez dû me prévenir !

– Je ne le savais pas avant qu'elle ne se coupe ; vous n'avez pas pu ne pas vous en rendre compte ! Elle a commencé par appeler Sormand par son prénom, mais s'est reprise aussitôt.

– Eh bien ! s'exclame Seignolles. Je ne vois pas où est le mal. Tous les profs et chargés de cours de ce bahut doivent se connaître suffisamment bien et sympathiser au point de s'appeler par leurs prénoms.

– Justement, précise Martin, si cela avait été si naturel, elle n'aurait pas dû se reprendre !

« Vraiment, pense Seignolles, ce type est un sacré tordu ! Et un malin... Je commence à m'expliquer pourquoi il trimballe une telle réputation. S'il applique en permanence cette mécanique de pensée, je vais devoir me mettre à son diapason. Et moi, la psychologie, ça n'est pas vraiment mon rayon ! »

Les deux hommes traversent le campus en direction du bâtiment C, suivant une signalisation efficace faite de grands marquages blancs au sol.

Après quelques minutes d'une marche silencieuse, ils pénètrent dans le bâtiment réservé aux internes de la faculté, s'engagent dans un petit hall très propre aux murs vierges de tags, et empruntent l'ascenseur qui les mène au troisième étage.

Là, ils ne croisent qu'un étudiant, l'air absorbé, qui les ignore.

Seignolles frappe à plusieurs reprises à la porte de la chambre 347. En vain.

– Et maintenant, on entre comment ? s'inquiète-t-il.

– Comme les malfrats, répond Martin en fouillant dans une poche de son blouson pour en sortir une étroite pochette en cuir dont il extrait une mince tige métallique crochetée à l'une de ses extrémités.

– C'est bien un rossignol, ce truc ? s'écrie le gendarme.

– Exactement, affirme Martin, penché sur la serrure. Je vois que vous connaissez les termes désuets utilisés dans les vieux romans policiers.

– Vous savez, ose Seignolles, si l'on trouve quelque chose, cela pourra être annulé par le juge... Vous avez déjà entendu parler des mandats de perquisition ?

– N'usez pas votre salive pour rien, Luc, je connais le droit au moins aussi bien que vous. Tout ce que vous allez me reprocher, je le sais. Une seule chose, cependant : qu'est-ce qui est mieux ? Respecter la loi, en ce cas précis, et passer à côté d'un indice qui nous permettra de serrer un salopard, ou bien l'inverse ?

– Oui, mais...

– Nous sommes pressés, Luc. Toute enquête qui se conclut positivement a été menée au pas de charge. N'oubliez jamais que le criminel se fiche de la loi et qu'il court toujours avec une sérieuse avance sur les flics.

– Mais là, objecte Seignolles, rien ne dit que Tissier soit coupable. Ni même qu'Estelle a été assassinée. Elle était peut-être consentante pour se livrer à une quelconque cérémonie, une espèce de jeu de rôles !

– Rien ne le dit, effectivement. Mais il vaut mieux s'en assurer... D'autre part, Estelle n'était pas seule dans la grotte. Quelqu'un l'y a laissée mourir ! Je veux découvrir ce quelqu'un !

Seignolles abandonne en émettant un long soupir et en s'avouant intérieurement que Martin a raison. D'ailleurs, la serrure lâche ; il n'est plus temps de se poser des questions d'éthique.

Les deux hommes pénètrent dans la chambre. Premier coup d'œil... La pièce est plongée dans l'obscurité. Le lit n'est pas défait. Tout est bien rangé, trop bien rangé. Comme si le gamin était un maniaque de l'ordre et de la propreté... « Pas d'odeur de tabac », remarque Martin.

Seignolles tire les rideaux pour laisser pénétrer un peu de lumière malgré l'orage qui se prépare. La chambre s'emplit alors d'une lueur jaunâtre qui semble en élargir brusquement les proportions.

– Répartissons-nous le travail, propose Martin. Je prends ce côté, et vous celui-ci. Mais, surtout, ne me refaites pas le coup du derviche tourneur !

– Dommage, c'est pourtant une méthode efficace !

Martin ouvre le tiroir de la table de chevet ; il y trouve des lettres soigneusement attachées par un ruban vert et n'hésite pas une seconde : il les parcourt toutes brièvement, les lisant en diagonale... Des lettres d'une certaine Catherine, datées de trois ans plus tôt ; une gamine, à en juger par l'écriture et le style. Un premier amour ?

Puis des petits agendas et des répertoires. Martin les feuillette méthodiquement. Rien de bien significatif. Le nom d'Estelle ne figure sur aucun des carnets. Il referme le tiroir, déçu.

Le bureau, propre lui aussi. Apparemment, ce Cédric ne possède pas d'ordinateur... Deux dossiers où sont classés des factures et des papiers administratifs. Un magazine scientifique, quelques crayons, stylos et trombones. Martin éprouve à nouveau la désagréable impression que les lieux ont été nettoyés. Tout est bien trop lisse. Anodin, sans âme. C'en est aussi désespérant que suspect.

Il s'arrête un instant devant une étagère où sont rangés quelques livres. Distorsions du temps ; Intrication quantique ; Constituants de la matière... entre autres ouvrages, tous de Raphaël Sormand ! « Encore un admirateur ! » pense Martin.

De son côté, Seignolles, après avoir soulevé le matelas, examiné le sommier, s'être mis à genoux pour regarder sous le lit, a entrepris la fouille de l'armoire. À son habitude, il passe tout en revue avec une application d'apothicaire, écartant les vêtements soigneusement suspendus à une tringle, déplaçant chemises et tee-shirts...

Soudain, il se retourne, brandissant une paire de chaussures de running usées.

– Du quarante-quatre ! clame-t-il d'un air triomphant.

Martin grogne :

– Cela ne me suffit pas. C'est une indication, pas une preuve. De toute manière, si ces chaussures ont servi à aller dans la grotte, elles ont été parfaitement nettoyées. Regardez, Luc... Elles sont trop propres. Et puis, une centaine de garçons doivent chausser du quarante-quatre, dans cette université ! D'ailleurs, on ne peut pas les emporter pour les faire analyser au labo. Non, il manque quelque chose d'irréfutable pour établir un lien avec la petite. À mon avis, il y a peu de chances pour que nous trouvions quelque indice dans cette chambre plus clean que celle d'une clinique !

– Que cherchez-vous, en fait ? demande Seignolles.

– Je ne sais pas... Quelque chose de personnel, d'intime.

– Dans ce cas-là, ou c'est parfaitement caché, et nous passons à côté, ou ce n'est pas dans cette pièce. Optons pour la première hypothèse, et reprenons... Nous en avons terminé avec la chambre, voyons le cabinet de toilette.

Et, claquant dans ses mains, Seignolles se rend dans la petite salle de bain. Martin l'y rejoint après avoir jeté un dernier coup d'œil circulaire à la chambre.

– A priori, peu d'endroits où dissimuler un trésor. L'armoire à pharmacie ? Rien... Le placard ? Rien, sinon un rasoir, quelques serviettes, gants... produits de toilette.

Seignolles s'assoit sur le rebord de la baignoire. Il réfléchit. Lui, où aurait-il caché quelque chose à quoi il aurait tenu ?

– Tiens, tiens..., fait-il.

– Oui ? demande Martin.

– Là, dit Seignolles en désignant l'étroite ouverture percée dans le coffrage de la baignoire, permettant un accès au robinet de vidange de la tuyauterie.

Seignolles sort de l'une de ses poches une minuscule lampe-torche, s'agenouille et scrute l'orifice. Il y découvre rapidement un sac en plastique qu'il dégage de la cachette avec une fierté non dissimulée.

– Chapeau, Luc ! le félicite Martin.

Les deux hommes retournent dans la chambre ; Seignolles déballe le contenu de la pochette sur le lit. Des photos d'Estelle... Des lettres... Une rose rouge séchée...

– Voici la fleur jumelle de celle que nous avons trouvée dans la chambre d'Estelle.

Les deux hommes étudient ensuite les documents constitués de très courts mails imprimés provenant d'un ordinateur. Signés de l'un ou de l'autre. La plupart évoquent des rendez-vous. Pas de tournure amoureuse. Juste de brèves phrases affectueuses, toutes ponctuées de bises amicales.

– Il faut être un peu dingue pour conserver ça comme des reliques ! s'exclame Seignolles. C'est d'un banal !

– Ou carrément amoureux, et ne pas oser l'exprimer ! enchaîne Martin.

Il a pris la fleur rouge qu'il tourne et retourne délicatement dans sa main, prenant soin de ne pas la briser. « Amoureux ! » répète-t-il.

Seignolles acquiesce.

– Pour moi, c'est simple ! Ce type attire Estelle dans la grotte en lui promettant je ne sais quelle expérience extraordinaire... Pour cela, il lui offre d'avaler une substance quelconque afin de la faire planer... Le dosage est mortel, et hop ! elle en meurt. Du coup, le type panique et se tire...

Martin s'est posté devant la fenêtre pour réfléchir ; il regarde distraitement les étudiants sur le campus. Une phrase de Sartre lui revient étonnamment en mémoire : « On ne peut pas être dehors et en même temps regarder par la fenêtre les gens passer dans la rue... »

– Ce ne sont là que des conjectures, Luc, en rien des certitudes. Je ne sais pas encore pourquoi, mais je pense que ces deux gamins n'étaient pas seuls dans la grotte, et qu'ils ont été embarqués dans quelque chose qui les a dépassés. Peut-être même qu'à l'heure qu'il est, ce Cédric est mort... lui aussi !

Seignolles, qui s'est assis au bord du lit, paraît perplexe.

– Je veux bien, moi, mais qui, alors ? Qui était avec ces deux mômes ?

Martin hausse les épaules.

– Comment savoir ? Le seul pouvant nous le dire serait Cédric, s'il s'agit effectivement de lui... Et s'il est encore vivant ! Je crois qu'il est urgent d'organiser une battue dans les environs de la grotte, dans un périmètre assez large.

Les deux hommes ressortent de la chambre. Ils reprennent le couloir qui mène à l'ascenseur, sans échanger le moindre mot. Toutefois, Martin a la conviction que Seignolles songe exactement à la même chose que lui. À cet instant précis, comme leurs pas réglés à une cadence semblable, leurs pensées sont à l'unisson.

« Cédric Tissier ne franchira plus jamais le seuil de cette chambre... »

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