Ayant reçu un appel de l'une des deux hôtesses d'accueil l'informant que le docteur Extebarra venait de faire irruption dans le hall, escortée des trois policiers conduisant les investigations sur les circonstances du décès de Cédric, Vals s'est aussitôt réfugié dans la salle de contrôle des Sorbiers d'où un surveillant est à même d'observer toute l'activité de la clinique sur plus d'une dizaine d'écrans. Couloirs, ascenseur, chambres, salles de loisirs, parc..., l'hôpital entier est placé sous contrôle vidéo.
– Vous pouvez rentrer chez vous ! lance brutalement Vals au gardien.
– Mais, professeur, Martin ne doit me relever que dans une demi-heure !
– Bon Dieu, s'impatiente Vals, faites ce que je vous ordonne et ne cherchez pas à comprendre... Allez profiter du temps libre que je vous accorde !
Le surveillant, d'abord indécis, finit par obtempérer et, attrapant sa veste, ses magazines, sa bouteille thermos, sort précipitamment, conscient que l'on ne contrarie pas le professeur Vals quand ce dernier a le visage ravagé de tics.
Vals referme à clé derrière lui et commence à manipuler de la main droite une molette qui active la caméra plongeant sur le hall, tout en téléphonant de la main gauche. Sur un écran apparaissent les intrus.
– Nom de Dieu ! Voilà l'équipe au grand complet, avec cette folle de télépathe en tête !
Puis, son interlocuteur ayant décroché :
– Les flics investissent la clinique ! Vous étiez au courant ? Non ? C'est invraisemblable ! Ils n'ont pas le droit ! C'est encore un coup du commandant Servaz, c'est lui qui a pris cette initiative ! Vous ne deviez pas le maîtriser ?
À l'autre bout du fil, l'inconnu s'emporte. Vals ponctue d'un « oui, oui ! » chacune de ses interventions, puis raccroche pour composer aussitôt un second numéro.
– Allô ? Virgile ? Les flics sont dans la place... C'est bien ce que je pensais, leur présence n'est absolument pas légale. Le parquet n'était même pas prévenu. Il n'empêche que nous ne devons prendre aucun risque. On exécute le plan...
Un temps.
– Aucun témoin ne doit survivre ! scande Vals avant de raccrocher.
Il réfléchit un long moment tout en suivant la progression Martin et Seignolles, la petite meute s'étant scindée en deux groupes. Il frappe d'un violent coup de poing le pupitre de commande, se dresse, comme mû par une décharge électrique, et sort de la salle de contrôle.
Il connaît la position des policiers entre ses murs ; il a le temps de passer à son bureau en empruntant l'escalier de service.
Parvenu à son bureau, il enfile sa veste, avale deux comprimés d'Alprazolam, fourre la boîte dans l'une de ses poches, ouvre son coffre, tire plusieurs casiers pour en extraire des dossiers dont il gave son porte-documents et, après un dernier coup d'œil sur cet univers qu'il abandonne à tout jamais, file par le couloir jusqu'à une sortie de secours qu'il ouvre avec un passe.
Il dévale un étroit escalier avec son allure d'échassier bancal, débouche dans le parc, à l'arrière de la clinique, prend sur la gauche pour traverser une courette et atteindre une porte métallique qui donne sur la forêt.
Là, il respire enfin et ralentit l'allure. Cependant, son esprit est en feu, tourmenté par une angoisse dont il sait qu'elle ne le quittera plus. « Ça ne devait pas se passer de la sorte ! »
Il n'ignore pas qu'il est condamné. « Il en est ainsi et il en sera toujours ainsi ! »
Combien de temps ? Combien de temps lui reste-t-il à vivre ?