L'espoir

Je suis sorti de la serre, j'ai fait semblant de m'éloigner en marchant sur place et en faisant progressivement décroître le son de mes pas. Puis j'ai collé mon oreille au bois de la porte et je les ai écoutées parler. Maman ne peut pas s'imaginer que je suis capable de tricher, de l'espionner. De les espionner toutes les deux, elle et Marie.

Peter Pan ! Voilà de quoi elle a peur, maman. Que je refuse de grandir et que je m'isole dans mon petit univers ! Elle a tort et raison à la fois. Car j'ai réellement envie de m'envoler, de m'enfuir...

Je sais que j'en suis capable. Toutes les deux, elles sont loin de se douter de quoi je suis capable ! Je le leur tais ; j'agis comme n'importe quel adolescent de mon âge. Du moins en ai-je le sentiment. Il se peut que je me trahisse parfois, malgré toute l'attention que je porte à respecter un comportement banal. Mais maman devine tant de choses. Ces choses invisibles qui flottent autour de nous, qui me frôlent aussi, souvent, pareilles à des fantômes.

Je n'en ai pas réellement peur. Ces ombres viennent d'un autre monde. Elles jaillissent du passé... À moins qu'elles ne soient des créatures du futur qui rebroussent chemin...

Je les devine, la nuit. Surtout la nuit, quand maman et Marie dorment et que leur esprit est au repos, n'interférant pas avec le mien que je libère alors totalement.

Je les écoute bruire en moi, cherchant à me parler. Je tends toute mon âme vers elles, pour les comprendre. Et je n'y parviens pas. Je ne perçois que de rares bribes indistinctes, des milliers de voix mêlées qui forment une boue sonore, sourde et visqueuse.

Il me semble cependant qu'elles m'appellent, m'invitant à les rejoindre. Comment ? Comment puis-je m'unir à elles ?

Il existe un « passage », j'en ai la certitude. Je le trouverai... Je prendrai le temps. Je suis plus patient qu'un animal sauvage à l'affût. Tout aussi sournois. Capable de me fondre dans le décor, de me faire oublier et de bondir au moment où la « porte » s'entrouvrira !

Là, je foncerai. Je quitterai cette vie pour gagner celle qui me réclame. Celle où je volerai comme un ange, hors de mon corps qui m'embarrasse, hors du temps.

Et je serai heureux, planant dans une éternité figée.

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