Combat

Virgile avait raccroché. Ses mains tremblaient.

Il était resté un instant à se demander s'il avait bien compris : « Aucun témoin ne doit survivre ! »

La voix de Vals n'était pas habituelle. Il y avait plus que de la peur dans chacune de ses intonations. Cela ressemblait à de l'hystérie.

Virgile venait d'allonger Mélisse sur la table de la petite pièce à peine éclairée par son néon rouge. Il s'apprêtait à lui administrer son « traitement » lorsqu'il avait reçu l'appel de son supérieur.

Maintenant il se tient là, debout devant la table, dominant la gamine nue qui repose sur l'alèse. Il ne l'a pas encore sanglée... C'est inutile puisque, cette fois, elle ne se débattra pas. L'injection létale qu'il va lui faire l'emportera dans un tout dernier rêve en moins de cinq secondes...

La gamine ne s'est pas réveillée quand il l'a sortie de son lit pour la déposer sur le chariot et la conduire jusqu'ici. Il était loin de se douter...

« Combien de temps avant que les policiers découvrent la “cité interdite” ? »

Il doit se hâter, désormais ; il n'a que trop traîné... Une fois qu'il se sera occupé de Mélisse, il devra planter cinq fois une aiguille dans les bras des « survivants »...

Il ouvre un placard, en sort six ampoules, puis, consultant sa montre, se rassure. Cinq minutes devraient suffire à faire disparaître les six cobayes ! Mélisse la première... Ensuite il aura encore besoin d'une minute pour ouvrir la porte blindée, traverser la buanderie et gagner le couloir...

Il a tourné le dos à Mélisse pour préparer les injections mortelles. Six seringues...

Le tremblement de ses mains a cessé. Il a recouvré son calme. « J'ai juste le temps nécessaire... »

Il se saisit de la première seringue, l'élève en direction du néon qui clignote, regarde par transparence le liquide mortel dans son tube, sourit et se retourne vers Mélisse.

Et lui, l'énorme Virgile, le bourreau géant, se retrouve nez à nez avec un lutin malingre et halluciné qui lui tranche presque la gorge à l'aide d'un plateau de métal.

« La petite salope ne dormait pas ! »

Il s'effondre sur le sol, entraînant dans sa chute machines et instruments. Sa tête heurte l'arête d'un pied de table. Il lâche la seringue qui roule sur le carrelage.

Par réflexe, il la cherche de la main, se ressaisit, tente de se relever. Un second coup de plateau assené sur sa joue droite le projette de côté. Il lance un juron, se disant qu'il va étrangler cette gamine, se complaire à entendre sa nuque se briser.

« Mais le temps, bon Dieu ! Je vais en manquer, maintenant... Il me faut les éliminer tous les six... »

Le fantôme squelettique a bondi et brisé le néon, plongeant la pièce dans les ténèbres.

– Mélisse ! appelle Virgile.

Il s'est remis debout et, tel un ours aveugle cherchant cependant à combattre, il fonce droit en avant, ses bras tendus moulinant l'espace. Mais sa proie lui échappe à chacune de ses tentatives. Il se heurte à la table, à l'électrocardiogramme, à une chaise...

Il se dit que Mélisse est peut-être retournée dans la « cité interdite » en le contournant. Mais, si cela était le cas, il l'aurait sentie le frôler... « Non, elle est encore dans cette pièce, terrée dans un coin, comme une louve effrayée, et je vais lui mettre la main dessus ! »

– Mélisse ? appelle-t-il doucement. Tu m'entends, ma petite ? Tu as besoin de soins et si je ne te les administre pas immédiatement, tu risques le pire...

Soudain, il se fige. Il vient d'entendre des coups sourds contre la porte blindée.

« C'est foutu ! Les flics sont dans la buanderie ; ils ont tout découvert... Ce doit être cette garce d'Extebarra qui les y a guidés ! »

Il ne lui reste plus que le temps de rebrousser chemin, de traverser la « cité interdite » et d'emprunter la porte de secours...

À tâtons, il parvient à trouver le pommeau de la porte qu'il ouvre avec un soupir de soulagement pour s'élancer dans une travée séparant deux rangées de trois lits. Celui de Mélisse est vide. Les cinq autres sont occupés par des fantômes.

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