« Pourquoi moi ? »

C'était ma première journée de cours.

Je suis incapable de dire si cela s'est bien passé. Je me suis senti étranger au rituel d'intégration. À la présentation qu'on a faite de moi à la classe dans laquelle je dois désormais me fondre comme dans un moule. Le proviseur m'a donné une tape dans le dos qui se voulait amicale et encourageante. Un geste initiatique signifiant : « Tu vois, maintenant tu es chez toi... » Et j'ai trouvé ce geste aussi ridicule qu'artificiel.

J'étais le petit nouveau ! Le Nantais... puisque c'est déjà ainsi que l'on m'a surnommé. Chez moi ? Je ne suis chez moi nulle part. Je ne le serai pas plus ici qu'à la maison. Ou que dans mon corps !

J'ai été prendre ma place à côté d'un lourdaud au front bas qui m'a lancé un sourire de bienvenue digne d'un mauvais acteur de feuilleton télé. Puis le temps a passé... Jusqu'à ce que je revienne à la maison où, naturellement, Marie m'attendait avec les questions prévisibles sur mes premières impressions, questions auxquelles j'ai répondu comme elle souhaitait que je le fasse.

J'ai eu droit à la même cérémonie au retour de maman. Mêmes questions. Mêmes réponses. Puis nous avons passé une soirée un peu morne. Maman était maussade et paraissait contrariée, gardant le plus souvent le silence, nous laissant, Marie et moi, animer une conversation monotone.

Après le dîner, j'ai prétexté un peu de fatigue pour monter lire dans ma chambre, sachant que, sous peu, maman prendrait une douche et irait se faire masser par Marie dans la serre. J'ai attendu. J'ai écouté tous les bruits de la maison... Et je suis redescendu en silence pour espionner maman et Marie.

Maman disait :

– Je n'ai pas cru à la raison que Vals m'a donnée. On n'hospitalise pas une patiente autant de temps pour une IRM. Mélisse aurait dû revenir aux Sorbiers dans la journée...

– Tu n'arrêtes pas de penser à cette gamine, Alexandra ! Cela devient une obsession ! Et quelle idée d'aller fouiller dans le bureau de Vals !

– Cette petite me hante... Tu aurais vu ses yeux ! Immenses ! Emplis de terreur... Elle éprouvait une peur intense, une réelle angoisse.

– Et tu m'as bien dit, hier soir, avoir eu une hallucination, juste avant qu'elle ne t'apparaisse ?

– Oui. J'ai dû perdre connaissance, l'espace d'une ou deux secondes... Quand j'ai rouvert les yeux, Mélisse était devant moi comme si elle avait surgi de ma vision, justement. J'avais l'impression d'être face à un spectre... C'est d'ailleurs ce qu'elle paraît être, puisque personne d'autre que Vals et Virgile ne semble la connaître !

Il y a eu un long silence. Marie devait masser les jambes et les cuisses de maman.

Un spectre... Tel que ceux qui tentent de communiquer avec moi, la nuit ? Toutes ces ombres qui cherchent à m'entraîner dans leur monde...

Mais pourquoi m'ont-elles choisi ? Pourquoi moi ?

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