[117]

Une bourrasque tiède traversa la grande route principale de Tamboré 0 et pourtant, de toute sa vie, Sharko n’avait jamais eu aussi froid. Il n’y avait plus aucun survivant parmi les habitants de la résidence. Les Hommes en noir qui n’étaient pas morts sous les balles et s’étaient retrouvés pris au piège par l’impressionnant déploiement de policiers avaient fini par se suicider, sans omettre d’éliminer leurs femmes, leurs enfants quand ils en avaient. Sans aucune pitié ni compassion. Mais peut-on en avoir quand on tue des milliers de personnes ?

Il y avait plus de soixante cadavres, dont cinq policiers. Dans cette terrible hécatombe, Franck reconnut parmi les assassins deux visages croisés par le passé. D’abord celui d’Antonio Velasquez, l’ancien directeur de la clinique San Ramon, responsable de l’un des plus importants trafics d’êtres humains dans les années soixante-dix et quatre-vingt. Puis il y avait Léo Scheffer, l’un des fous furieux que Sharko avait traqués en Russie quelques années plus tôt. Scheffer était l’inventeur d’un procédé de cryogénisation capable de suspendre les fonctions vitales d’un individu et de les restituer après un temps indéterminé. Il était censé être mort sur le territoire russe, mais Sharko n’avait jamais pu voir son cadavre. Velasquez, Scheffer et tant d’autres êtres tout aussi méprisables étaient, au fil du temps, devenus des Hommes en noir.

Franck regarda les policiers s’agiter dans tous les sens. Ils étaient sous le choc, secoués par ce qui ne devait être qu’une interpellation, et qui s’était terminé dans un bain de sang.

Cela ne pouvait finir autrement.

Franck s’assit sur le bord du trottoir, seul. Il se sentait tellement fatigué. Les premières lueurs de l’aube commençaient à poindre à l’horizon. Des mauves et des jaunes magnifiques, des couleurs d’espoir qui chassaient les ténèbres et les repoussaient loin dans le ciel.

L’espoir…

Franck savait qu’il allait encore devoir vivre avec un terrible poids sur la poitrine, un secret qu’il ne pourrait révéler à personne : celui de la mort de Savage. Il l’avait assassiné de sang-froid. Était-il meilleur que ceux qu’il traquait ? Il allait avoir tout le temps d’y réfléchir.

Il sortit son téléphone et composa le numéro de Lucie.

— Allô, ma puce ? C’est moi. Oui, ça va. C’est terminé… Jules et Adrien… Je veux leur parler, oui… J’ai quelque chose d’important à leur dire…

Загрузка...