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Phong afficha une photo et tourna l’écran vers la vitre. Elle montrait un cygne mort, partiellement décomposé, flottant dans une mare d’eau.

— Tirée hier soir, vers 19 heures, heure de la découverte, sur l’île Rügen. Les services vétérinaires allemands ont trouvé vingt cygnes dans cet état sur l’île, à des endroits différents où les concentrations en oiseaux migrateurs sont très fortes. Opération menée dans la plus grande discrétion, évidemment, avec périmètre de sécurité protégé par la police.

Il déplia une seconde carte, quasi neuve, qui représentait l’Allemagne.

— Où tu as eu cette carte ? demanda Amandine.

Phong parut gêné.

— À la librairie du centre-ville. Ça va, j’ai fait attention. J’ai mis des gants, j’ai pris un nouveau masque et je l’ai jeté dans la corbeille à déchets infectieux en rentrant, d’accord ?

Amandine se mit à regretter de l’avoir impliqué dans cette affaire. Emporté par sa fougue, Phong avait fait une entorse aux règles fixées, aussi infime fût-elle.

— Tu n’aurais jamais dû sortir seul. C’est interdit, tu le sais.

— Ça va, Amandine. Ça ne se reproduira plus, OK ?

La jeune femme peina à se concentrer sur la carte lorsque son mari la tourna vers eux.

Il avait marqué au moyen de points les vingt endroits sur l’île de Rügen.

Johan observa et écarquilla les yeux.

— Tu plaisantes ?

— Crois-moi, ce n’est pas le genre de sujet avec lequel j’ai envie de plaisanter.

Johan soupira et s’enfonça dans le fauteuil, se tenant le front. Amandine, elle, restait figée face à la carte. Les vingt points qui représentaient les cygnes morts, distants les uns des autres de plusieurs centaines de mètres d’après l’échelle, constituaient trois cercles parfaits.

Trois cercles concentriques.

Phong but une gorgée de thé.

— La nature ne peut pas être responsable de « ça ».

Les scientifiques secouèrent la tête. Ils étaient pétrifiés. Amandine n’arrivait pas à admettre ce que ses yeux voyaient. Une figure géométrique qui défiait la logique.

— Si ce n’est pas la nature qui a placé ces cygnes morts de manière qu’ils forment ces trois cercles concentriques, c’est…

— … quelqu’un. Quelqu’un qui voulait probablement disperser un virus de la grippe dans la nature, en utilisant le meilleur outil de dispersion qui soit…

— Les oiseaux.

Ces mots glacèrent l’atmosphère de la pièce. Le téléphone portable de Johan vibra à ce moment-là. Jacob venait aux nouvelles concernant l’admission de Buisson. Quelques minutes plus tard, il raccrocha.

— Ce qu’on craignait sans le dire vraiment est en marche.

Visages anxieux. Bouches serrées. Phong se tenait debout, aux aguets, de l’autre côté de la vitre.

— Un autre cas ?

— Hospitalisé à Lariboisière.

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