Nicolas fut pris d’une panique immédiate. Tous les signaux internes virèrent au rouge.
— Camille !
Il se mit à allumer les lumières, parcourir toutes les pièces de façon incohérente, désorganisée, comme si Camille pouvait se dissimuler quelque part dans ces quarante mètres carrés. Il trouva le portable de sa compagne dans la salle de bains. Son manteau et ses chaussures dans le salon.
Quand il se jeta sur son Sig Sauer et le serra dans sa main droite, il sut.
Au plus profond de lui, il comprit qu’il était arrivé quelque chose.
Les larmes montèrent, il courait désormais sans but, se tenant la tête. Quand il revint dans la chambre, il remarqua un objet qu’il n’avait pas vu la première fois, posé sur l’oreiller.
Une clé USB.
Le même genre que celle qu’il avait reçue au bureau quelques jours auparavant.
Ils étaient entrés ici. Chez lui.
Nicolas ressentit une rage, une détresse qu’il exprima en se parlant à lui-même, se disant que tout cela n’était qu’un mauvais rêve, qu’il allait se réveiller, retrouver Camille serrée contre lui. Il ne pouvait pas y croire. Il ne voulait pas y croire. Avait-il failli, encore une fois ? Avait-il été incapable de protéger sa compagne ?
Il fixa le petit parallélépipède noir, cet enrobage de plastique qui renfermait des circuits électroniques. Que contenait la clé, cette fois ? Quelles horreurs ? Comment avait-on pénétré dans son appartement ?
Très vite, le réflexe de flic reprit le dessus. Il attrapa une serviette pour saisir la clé afin de préserver les empreintes éventuelles, arracha la prise de la box Internet au cas où il y aurait encore un virus sur la clé et se précipita devant son ordinateur. Dans une grande inspiration, il la brancha au port adéquat.
Elle contenait une vidéo, datée du jour même : 00 h 55.
Deux heures plus tôt, alors qu’il interrogeait Dambre.
Tout se bousculait dans la tête de Nicolas. Pourquoi, comment… Il hésita à lancer la vidéo, de peur d’y découvrir ce qu’il redoutait tant. Ces monstres n’avaient aucune limite, pas de pitié. Dehors, la pluie crépitait, la nuit était grise, glaciale, les murmures de la rue lui parvenaient par bribes. Un coup de frein, une accélération…
Le flic se sentait seul au monde, abandonné, perdu.
Il cliqua. Le film commença. Nicolas reconnut son salon. La lumière était allumée. La caméra se dirigea vers la chambre, évitant de filmer le lit. Pourquoi ? La porte du dressing coulissa, l’objectif zooma sur les affaires de Camille. Ses robes, ses sous-vêtements. Une main gantée tira un soutien-gorge qui disparut du champ. Nicolas imagina le sadique le tripoter, le renifler.
Visualiser ces images était insoutenable.
L’angle de la caméra pivota ensuite vers le lit. Vide. Les draps étaient défaits… Nicolas retenait son souffle. Où était Camille ?
Direction la salle de bains, encore des plans de vêtements, d’objets intimes. On prit soin d’éviter le miroir, baissant l’objectif au moment opportun. Le flic mit le son de l’ordinateur à fond. Il perçut une respiration. Un souffle régulier, lourd, chargé d’excitation. Un halètement masculin et volontaire, destiné à être entendu par Nicolas. À le faire souffrir. On s’acharnait sur lui, on voulait le détruire, parce qu’il avait osé les défier. Parce qu’il avait fait son job.
L’homme ressortit de la salle de bains. Ça faisait plus de cinq minutes que la caméra filmait. Aucune peur de se faire prendre, aucune précipitation. Des actes mesurés, réfléchis.
Retour dans le salon.
Vision d’horreur. Nicolas écrasa une main devant sa bouche, retenant un sanglot. Camille était au sol devant la porte d’entrée fermée. Inconsciente, bras rejetés vers l’arrière. Elle portait sa nuisette. La caméra s’approcha. Très près. Nicolas imagina l’homme se baisser. Il vit les jambes de Camille s’écarter.
Le rythme de l’horrible halètement qui s’accélère.
Soudain, deux griffes d’acier apparurent dans le champ. Longues, brillantes, courbées, comme des serres d’aigle.
Elles se glissèrent sous la nuisette.
Noir.
Nicolas vomit.