Vendredi 29 novembre 2013
Une pluie froide et drue battait le pare-brise du véhicule de Nicolas.
La banlieue de Paris, à 3 heures du matin, prenait des allures de territoire apocalyptique, de plate-forme pétrolière, de vallée de misère. Les lumières des feux rouges luisaient au sol comme des flaques de sang diffuses, les passages piétons ressemblaient à des cicatrices ouvertes. À la radio, des bouffées tiédasses d’air dans des trombones, des notes de piano qui éclataient comme du verre brisé. Nicolas finit par éteindre, vanné, laminé de l’intérieur. Il puait encore la sueur de la course-poursuite le long du canal de l’Ourcq. Il avait senti le fouet de l’adrénaline quand il avait poursuivi Dambre, terrible mélange d’excitation et de peur.
Dire que dans quelques heures il allait falloir recommencer la traque. Poursuivre ces fous furieux qui transformaient chaque jour la vie des flics en enfer.
Jacky Dambre croupissait dans une cellule de garde-à-vue pour une durée de quarante-huit heures qui allaient s’étendre à quatre-vingt-seize heures, vu qu’on pouvait assimiler son geste à un acte terroriste. Au tour des collègues de l’Antiterrorisme d’être sur son dos, de le marteler de questions. Le hacker commençait à accuser le coup, mais il restait sournois, provocateur, avec ses théories eugénistes, ses idées de purification… Que savait-il vraiment au sujet de l’Homme en noir ? Sharko lui avait fait peur mais, désormais, cette petite ordure se savait en sécurité dans les locaux du 36.
Qu’allait lui demander l’Homme en noir, cette fois-ci ?
Quel genre de mission lui réservait-il ?
Ils allaient peut-être le piéger bientôt. Mettre fin à toutes ces horreurs.
Nicolas rangea son véhicule dans le parking souterrain, entre deux murs de béton si rapprochés qu’il dut s’en extirper de profil. Dire qu’il louait ce clapier quatre-vingts euros par mois.
Il remonta sans grande énergie à la surface et parcourut une centaine de mètres sous la pluie, les mains dans les poches. Les gouttes glacées lui tombaient dans le cou et le frigorifiaient. Il devenait urgent de déménager. Foutre le camp de cette banlieue.
Il atteignit enfin son immeuble. Code de l’Interphone, escaliers… Même pas d’ascenseur. Il monta sans rythme au quatrième étage, courbé par le poids de la journée. Il glissa sa clé dans la serrure de la porte et entra.
Déclic de l’interrupteur, lumière. La pièce vide, la bibliothèque, L’Aiguille creuse posée sur la table basse. La chatte Brindille vint se frotter contre ses jambes en ronronnant.
— Salut, toi.
Nicolas balança son blouson et son holster sur le canapé avec un léger sourire. Camille avait commencé à relire le roman de Maurice Leblanc. Ce livre, c’était leur objet porte-bonheur. Un symbole qui avait vu naître leur histoire d’amour sous la tempête.
Il se rendit à la cuisine et but un grand verre d’eau, puis se dirigea jusqu’à la salle de bains pour y prendre une douche brûlante. Auparavant, il jeta un œil dans leur chambre : une habitude qu’il avait prise d’observer Camille à la dérobée.
Le lit était vide.