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La perquisition était terminée.

L’ordinateur et le téléphone portable de Séverine Carayol étaient partis entre les mains des experts, qui allaient se mettre à décortiquer sa vie électronique et découvrir ses habitudes, son mode de vie, ses fréquentations. Les circuits imprimés, les gigabits d’octets contiennent, aujourd’hui, un morceau de nous-mêmes et de notre identité.

Sharko et Casu avaient méthodiquement fouillé les armoires, les tiroirs, les recoins du petit appartement. Diverses ordonnances médicales, dont la plus ancienne remontait à quatre semaines, montraient que Séverine Carayol prenait un cocktail d’antidépresseurs tricycliques — surtout du Laroxyl — et de somnifères, ceux-là mêmes qu’on avait retrouvés à proximité de son corps. Sharko avait jeté un coup d’œil rapide aux factures, aux derniers relevés bancaires, sans noter de dépenses hors norme. Quant à la clé de la porte de l’appartement, elle se trouvait encore dans la serrure côté intérieur : tout indiquait donc que Carayol avait laissé la porte ouverte pour qu’on découvre son corps.

Après son entretien avec Amandine, Lucie avait mené un rapide interrogatoire des voisins de palier, qui n’avaient rien remarqué. Ils ne croisaient que rarement Séverine, une fille discrète qui ne causait jamais de problèmes. Lorsque Lucie souligna que leur voisine avait été en couple jusqu’à septembre ou octobre dernier, ils indiquèrent juste qu’ils ne l’avaient jamais vue accompagnée. Un des voisins, qui savait que Carayol travaillait à l’Institut Pasteur, demanda si ça avait un rapport avec cette histoire d’oiseaux morts et de grippe dont on avait parlé à la télé. Évidemment, Lucie répondit que non.

Bertrand Casu sortit avec un carton rempli de paperasse, tandis que Lucie retrouvait son homme, qui était dans la salle de bains. Il la mit au courant de l’avancement de ses recherches. Devant lui, alignées, une vingtaine de mignonettes de shampoing à l’effigie de différents grands hôtels parisiens — Méridien Étoile, Intercontinental Opéra…

— J’ai l’impression de perdre mon temps. Tu me dis que Carayol s’est fait plaquer il y a un mois et demi. Elle commence à déprimer, attaque un traitement quinze jours plus tard. Tout cela me semble très cohérent. Je ne vois pas de… d’anomalie, pour le moment.

— J’aimerais quand même parler à son ex-petit ami, ce Patrick Lambart. J’ai fait une requête d’identité, j’attends un retour.

Sharko acquiesça.

— Bon… Bientôt 18 heures. Aux dernières nouvelles, Nicolas est parti au laboratoire de Carayol avec des collègues de la cellule antiterroriste poser quelques questions et visiter les lieux. Tu peux rentrer directement si tu veux. Je vais passer à la crèche pour récupérer Jules et Adrien.

— Très bien. Ces flacons de bain-douche, d’où ça sort ?

— Ils étaient dans ce meuble, là. Les trucs fournis par les hôtels, qu’on fourre tous dans nos sacs avant de rendre les clés.

— Il y en a un paquet. Ce n’est pas donné, ce genre d’établissements. Ça gagne beaucoup, un laborantin ?

— Ce n’est pas elle qui payait, j’ai l’impression. J’ai jeté un rapide coup d’œil, aucune trace sur ses relevés bancaires. Mais elle avait le droit de se faire inviter, non ?

— Par Patrick Lambart, tu veux dire…

— Lui ou un autre.

Il lui lança un flacon. Celui du Méridien Étoile.

— T’iras y faire un tour demain…

— Tu m’invites ?

Sourire de Sharko. Ils sortirent de l’appartement. Le lieutenant ferma la porte à clé et se tourna vers sa compagne.

— Comment tu te sens ? Je veux dire… Pas de symptômes particuliers ?

— Ça va. Je touche du bois, mais je ne me suis jamais chopé la grippe. Ou alors, je ne m’en souviens pas. Et toi ?

— Je ne suis jamais malade. Enfin, une petite schizophrénie par-ci, par-là, sinon, ça va. Mais il est très important que les enfants n’attrapent pas cette saloperie. On va faire attention, d’accord ?

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