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Après le départ de ses collègues, Sharko remonta en toute hâte dans le bâtiment.

Il fallait agir vite, à l’ancienne. Dambre risquait de passer entre trop de mains avant de cracher la vérité.

Il n’y avait que la peur qui fonctionnait encore. Elle pouvait faire parler les plus durs, et rapidement. Franck avait peut-être perdu en capacités physiques, mais il savait encore frapper là où ça fait mal.

Il se glissa dans le long couloir du deuxième étage. Le camé était toujours à sa place, pareil à une statue de glaise. Le crack l’avait anéanti et il était fort probable que bientôt l’homme y laisserait sa peau. Mais Sharko n’avait plus d’états d’âme, plus de pitié. Trop de fantômes de ce genre habitaient sa tête et l’empêchaient de dormir.

Plus loin, il entra dans une pièce délabrée. Les poignets de Jacky Dambre étaient menottés à un tuyau au-dessus de sa tête. L’individu était revenu à lui. Une sale gueule. Il avait des tatouages à outrance sur les avant-bras. Des reptiles, surtout. Lézards, serpents à gueule ouverte, les crocs bien visibles. Des tas de petits traits parallèles se succédaient au niveau de la nuque. Des scarifications artistiques, ou quelque chose du genre.

— On va discuter un peu, tous les deux. Calmement.

Sharko se plaça debout devant lui, dos à une vitre défoncée.

— J’ai rien fait. Vous n’avez pas le droit.

— De quoi ? Te mettre un petit coup sur la tête, tu veux dire ? Si seulement tu pouvais imaginer tout ce que j’ai fait et que je n’avais pas le droit de faire… (Sharko ricana.) Et pourtant, les délits qu’ils avaient commis, ces types, étaient beaucoup, beaucoup moins graves que les tiens.

Le flic se pencha et s’approcha à dix centimètres de son visage. Cette fois, il ne rigolait plus. Sa haine était sur le point d’éclater.

— Ma compagne est couchée avec 40 de fièvre à cause de ta saloperie de grippe. T’es rentré chez moi, t’as frôlé mes enfants. Tu nous as tous violés, moi y compris. Espèce de fils de pute !

— Je vous emmerde.

Sharko ferma les yeux, soupira pour contrôler ses nerfs. Une veine commençait à battre à son cou.

— On a la preuve formelle que tu as diffusé le virus de la grippe dans le restaurant du Palais de justice, Jacky Dambre, le mercredi 20 novembre. Une belle photo de toi, pris en flagrant délit, circule dans tous les commissariats de France. Tu as déclenché la haine de milliers de flics en t’en prenant à nous. Ton virus va tuer des gens, coûter du pognon, provoquer la peur.

Le visage de Dambre se figea quelques secondes.

— Vous racontez n’importe quoi.

Sharko s’accroupit devant lui.

— Je n’ai plus le temps de discuter.

Il appuya sur l’hématome qui commençait à bleuir sur la tempe de Dambre. L’homme hurla.

— T’as pas remarqué qu’on n’était que tous les deux dans un endroit où personne ne t’entendra gueuler ? Que mes collègues étaient repartis ? Ils doivent arriver chez toi, à l’heure qu’il est. Ils vont retourner ta baraque. Je leur ai expliqué que t’avais réussi à te tirer de ces fichus bâtiments. Personne ne sait que t’es ici, sauf moi. Et, si je le veux vraiment, personne ne retrouvera ton corps. Il y a un canal, juste dehors.

Le flic lui pointa une seringue devant l’avant-bras droit.

— Je l’ai trouvée là où t’as essayé de me défoncer le crâne. Il doit y avoir un tas de belles petites saloperies sur l’aiguille. Mais t’es sûrement au courant puisque les virus, c’est ton truc.

Le visage de Sharko devint un masque sinistre.

— À trois, si tu déballes pas tout, j’enfonce. Pour commencer.

Dambre resta de marbre. Sharko compta.

— Un…

— Vous êtes flic. Vous le ferez pas.

— Deux…

Dambre le défiait du regard. Ne bougeait pas.

— Trois…

Sharko immobilisa l’aiguille à quelques millimètres de la peau. Une goutte de sueur perla à son front. Ses doigts se mirent à trembler. Il fracassa la seringue au sol, tandis que le visage de Dambre se parait d’un sourire mauvais.

— Je m’en doutais.

— T’es un vrai dur, toi. Mais je crois que je suis plus dur que toi. Tu vas voir.

Le flic se rua à l’extérieur de la pièce, les poings serrés. Lorsqu’il revint, quelques minutes plus tard, il tenait une vieille bassine remplie d’eau verdâtre. Il menotta Dambre les mains dans le dos, l’attrapa par les cheveux et lui plongea la tête sous l’eau.

Longtemps.

Dambre se débattait comme un diable, crachant des bulles dans un hurlement étouffé. Sharko lui sortit la tête de l’eau durant une petite seconde et recommença dans la foulée. Il lui écrasait la nuque de tout son poids, le souffle court, les mâchoires serrées.

Quand il relâcha la pression, Dambre roula au sol, crachant des gerbes de liquide. Il haletait.

— Faut que tu me parles.

Sharko était devenu rouge. Une grosse veine saillait sur son front. Quand il était dans cet état-là, lui, ses supérieurs et tous ceux qui avaient croisé sa route le savaient : il ne contrôlait plus grand-chose. Devant le silence de Dambre et son air de sale petit merdeux, il remit le couvert deux, trois fois. Toujours plus longtemps.

L’homme menotté, anéanti, roula sur le côté comme un poisson gisant sur la berge. Il cracha encore et encore, avant de céder. Personne ne pouvait résister à la peur d’être noyé. La pire des tortures.

Après avoir un peu récupéré, Dambre se mit à parler.

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