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Recroquevillée dans un coin, Amandine ignorait combien de temps s’était écoulé.

Il lui semblait avoir vacillé à plusieurs reprises. Avec cette chaleur, cette humidité étouffante, ses nerfs et son corps avaient lâché, tandis qu’une migraine violente l’avait terrassée. Elle avait dû tomber dans les vapes, se réveiller, sombrer de nouveau…

Était-ce encore la nuit ? Quel jour était-on ?

Dimanche… Oui, dimanche, se rappelait-elle. Désorientée par l’obscurité, elle entendait toujours les horribles bruissements autour d’elle. Il fallait qu’elle se sorte de cet enfer. Elle songea à Phong de tout son cœur. Elle pensait toujours à lui dans les situations les plus difficiles. Elle voulait le voir, le serrer contre elle, le caresser.

Ces pensées furent suffisantes pour qu’elle y puise un peu de courage. Elle devait bouger, mais ses muscles semblables à de la pierre refusaient de lui obéir. Avec un gros effort, elle se mit sur les genoux et avança droit devant elle en tâtonnant. Elle transpirait, la tête lui tournait et elle était déshydratée.

Elle atteignit enfin la porte en silence. Y plaqua son oreille, tentant de modérer sa respiration. Pas un bruit de l’autre côté. Si les deux individus avaient cru à son appel aux policiers, ils avaient dû finir par prendre la fuite.

Elle décida de rester là sans bouger une bonne demi-heure. Essayant de deviner si quelqu’un attendait dans l’autre grande pièce qu’elle tombe dans le piège. Les minutes qui s’écoulèrent furent les plus longues de sa vie. Après un certain temps, elle jugea qu’il n’y avait plus personne, qu’il fallait tenter une sortie. Ses mains tremblèrent lorsqu’elles déverrouillèrent la porte.

Dans une grande inspiration, elle l’entrebâilla, prête à refermer au moindre bruit.

Rien. Juste les ténèbres. Et l’air frais, qui lui fit un bien immense.

Elle passa de l’autre côté, longea le mur aussi vite qu’elle le put. Ses doigts palpèrent enfin le disjoncteur, elle remit le courant puis appuya sur l’interrupteur juste à côté. La lumière jaillit. Amandine retint son souffle, observa autour d’elle.

Personne.

À l’intérieur de la pièce d’où elle sortait, une lumière.

La jeune femme n’eut pas le courage de faire demi-tour, se disant qu’ils pouvaient revenir d’une seconde à l’autre. Elle se mit à courir, retrouva l’escalier en colimaçon, s’engagea dans les marches, s’aidant de ses mains pour monter plus vite. La lumière naturelle grandissait au fur et à mesure qu’elle montait, une once d’espoir qui lui disait qu’elle allait peut-être s’en sortir, s’échapper vivante de cet enfer.

Elle arriva dans le tout premier espace. Au fond, la vitre brisée, le verre au sol. Dehors, le ciel gris, il pleuvinait. Le jour, la vie, la fraîcheur sur son visage. Amandine repéra un détecteur de mouvement, dans un coin, positionné de façon à capter toute intrusion par les fenêtres.

Elle se glissa dans l’ouverture et se retrouva sur la coursive, se précipita vers les marches, à la limite de la chute. Jamais une pluie froide ne lui fit tant de bien. Elle foula le béton, courut à perdre haleine, se demandant comment elle tenait encore debout.

Le petit escalier, le portail, puis le trottoir de la rue des Frigos.

Le jour qui se lève, le bruit de la circulation, les gens sous leur parapluie.

Son cœur bondit dans sa poitrine lorsqu’elle aperçut, garé quelques mètres plus loin, le véhicule d’Hervé Crémieux. Elle réprima un cri : elle crut que le cauchemar recommençait, or la voiture était vide.

Amandine courut dans la rue et se jeta sur le premier passant venu.

Elle fondit en larmes dans ses bras.

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