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— Je n'aime pas l'hélicoptère.

— Pourtant, ce matin, en revenant de France, ça n'avait pas l'air de vous gêner.

— J'avais peur de vous, ça m'occupait l'esprit.

— Je ne vous effraie plus ?

— Probablement le syndrome de Stockholm…

— Vous vous attachez drôlement vite à votre ravisseuse. J'espère que vous n'êtes pas un garçon facile. Si ça vous arrange, je connais un truc pour vous terrifier à nouveau…

Ben se tassa de son côté de l'engin.

— Non merci. Sans façon.

Il s'efforça de se concentrer sur les paysages de moins en moins urbains qui défilaient sous l'appareil, puis décida de fermer les yeux avant d'avoir mal au cœur. Incapable de se détendre, il finit par les rouvrir discrètement pour observer celle qui l'escortait. Cette jeune femme constituait une énigme, un mélange atypique de charme naturel et de ce que Ben analysait comme une détermination peu commune. Et toujours cette mèche de cheveux qui, malgré le maintien dont elle faisait preuve, donnait l'impression de la surprendre dans l'intimité d'un réveil.

— Si j'ose vous demander où nous allons, vous allez me casser le bras ?

— Pourquoi ferais-je une chose pareille ? Nous volons vers York. Nous devrions y arriver d'ici moins d'une heure.

Surpris, Ben dévisagea miss Holt.

— Vous répondez donc si je vous pose des questions ?

— Votre remarque est stupide. Évidemment que je réponds.

— Pourtant ce matin, lorsque j'ai voulu savoir ce que vous me vouliez…

— C'était différent. J'avais pour mission de vous amener à mon supérieur. À présent nous sommes collègues.

— Collègues ?

— Parfaitement. On est en tandem, à la vie à la mort, je couvre vos arrières !

Pour appuyer son propos, Karen lui décocha une bonne bourrade « virile » sur l'épaule. Ben en fut stupéfait. Pour deux raisons : comment pouvait-elle se permettre ce genre d'humour après lui avoir tiré dessus ? Et comment une jeune femme aussi fine pouvait-elle taper aussi fort ?

Elle sourit et proposa :

— Voulez-vous savoir ce qui s'est passé à York ?

— Que dois-je répondre pour ne pas souffrir ?

— Cette nuit, la petite église de la Holy Trinity a été forcée. La police pense que les cambrioleurs étaient au moins deux. Un des bénévoles qui veillent sur le lieu les a surpris. Ils l'ont tué sans hésiter.

— Pauvre bougre. Mais hormis cette mort tragique, je ne vois pas en quoi cela en fait un cambriolage à part. Chaque jour, en Europe, quelques-unes des milliers d'églises et de chapelles sont malheureusement victimes du pillage de leur patrimoine.

— Les voleurs cherchaient quelque chose dont même ceux qui ont la charge de ce lieu de culte très ancien ignoraient l'existence. Les intrus savaient parfaitement où le trouver, alors que personne n'avait la moindre idée que c'était là.

— Comment ça ?

— Ils sont entrés et ont creusé à un endroit précis, jusqu'à découvrir ce pour quoi ils étaient venus. Or aucun historien du lieu n'avait connaissance de la présence de ces biens enfouis. Encore moins de leur nature. Aucune archive ne les mentionne.

— Des reliques, de l'art sacré ?

— Nous l'ignorons encore. La police scientifique est sur place depuis ce matin pour effectuer des analyses du sol dans lequel les objets étaient enterrés. On espère que leur contact aura laissé des traces.

— Quelle étrange histoire…

— Mais il y a plus surprenant encore. L'endroit n'est pas équipé en électricité. Il ne l'a jamais été. Aucune alimentation de courant n'y est tolérée. Bien qu'encore en fonction et visitée, cette église est sans doute l'une des seules au monde à avoir échappé aux évolutions techniques de notre époque. Ceux qui gèrent le culte continuent à préserver le lieu de toute influence extérieure sans que l'on sache exactement pourquoi. Les messes y sont célébrées à la bougie. Aucune antenne relais n'est autorisée dans son périmètre.

— Un havre à l'abri du temps…

— Vous pourrez en discuter avec l'un des experts que la police nous tient au chaud. Là où ça devient carrément bizarre, c'est que nos voleurs ont scrupuleusement respecté cette caractéristique, quitte à se compliquer la vie. Ils se sont éclairés à la chandelle et ont creusé à la seule force des bras. Ils n'ont utilisé aucun outil électrique.

— Cela veut non seulement dire qu'ils connaissaient cette particularité, mais qu'ils en ont tenu compte.

— Clairement.

— Pourquoi ceux qui n'ont pas épargné la vie du veilleur se sont-ils donné la peine de se soumettre à cela ?

Pensif, Ben fronça les sourcils et regarda à l'extérieur.

— Il semble que vous n'ayez plus peur de l'hélico…, nota Karen. À croire que vous commencez à prendre autre chose que vos peurs au sérieux.

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