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Aux pieds de Benjamin, sous un soleil de plomb, la vieille ville d'Assouan déroulait le dédale de ses ruelles à l'ombre d'une multitude de petits bâtiments aux murs clairs. Cette fois, il n'avait pas oublié ses lunettes de soleil.

Même dans sa modernité, l'Égypte dégageait en tout ce parfum d'éternité. Sur la terrasse de sa chambre d'hôtel, Horwood savourait un calme dont il avait presque oublié qu'il fût possible.

Karen se glissa par la porte-fenêtre entrouverte pour le rejoindre. Elle déposa un baiser furtif sur ses lèvres.

— Quelles nouvelles de Jack ? demanda-t-il.

— Il grogne parce qu'il va falloir dédommager Walczac pour la pyramide qu'il ne reverra pas.

— Toujours à se plaindre. Et l'île ?

— Personne ne pourra pénétrer dans la chambre de lumière avant un bon moment. Les équipes ont récupéré les archives et les antiquités dont beaucoup avaient disparu depuis la guerre. Les autres services nous aident à faire la chasse aux derniers soldats de Denker qui courent encore.

— Tu ne lui as rien dit au sujet de Wheelan ?

— Pas un mot. Je fais ce que je veux des informations dont je dispose.

— Je pense qu'il a mérité qu'on oublie sa regrettable implication.

— Je ne vois même pas de quoi tu veux parler.

— Qu'il repose donc en paix.

Elle inclina la tête sur son épaule.

— Jack m'a demandé si tu voulais continuer à travailler avec nous. On forme une bonne équipe…

— Pourquoi pas ? Après ce que vous m'avez fait endurer, je risque de m'ennuyer dans les réserves du musée. Vont-ils nous permettre de poursuivre nos recherches sur Sumer ?

— Jack dit que ça le dépasse.

Karen s'étira.

— J'ai chaud, laisse-moi cinq minutes, je vais me rafraîchir.

— Prends ton temps, j'ai de la lecture…

Elle rentra. Ben s'installa confortablement dans une chaise longue en osier. Alors que l'eau de la douche commençait à couler, il sortit de sa poche le petit carnet noir frappé des initiales et l'observa un moment. Après l'évacuation du laboratoire, il l'avait retrouvé dans son blouson, sans doute glissé là par Wheelan en guise de cadeau d'adieu. Le signet marque-page était positionné à la fin.

À la suite du dernier paragraphe de la main d'Hitler, Ben eut la surprise de découvrir une autre écriture, mieux formée, bien plus familière, et dont l'encre foncée indiquait la nature récente.

Mon cher Benjamin,

Si vous lisez ces mots, c'est sans doute que vous aviez vu juste pour les météorites et que tout est rentré dans l'ordre. Je suis bien mort cette fois, et le secret du Premier Miracle est entre de bonnes mains puisque ce sont les vôtres. Désormais, il n'y a plus que vous pour connaître la clé de l'expérience.

Puisque mon heure est venue, je souhaite vous transmettre le seul héritage que mon demi-siècle d'études m'aura permis d'acquérir. L'histoire fut ma passion, mais au-delà des innombrables faits, dates et noms, je n'en retiens que quelques principes qui disent aussi ce que nous sommes.

Les hommes auront toujours besoin de se trouver des ennemis, quitte à se les inventer, pour se donner le beau rôle. Mais si le diable doit être combattu, ce qu'il dit n'est pas toujours faux. Méfiez-vous des prétendus chevaliers blancs. L'intégrité est une denrée rare. Ne vous fiez qu'à votre conscience. À mon humble avis, notre faculté à respecter cette ligne de conduite explique à elle seule nos victoires et nos échecs. Gardez toujours espoir en l'homme. Il n'est jamais meilleur que dans les pires situations. N'oubliez pas que les humains ont la remarquable faculté d'adhérer par eux-mêmes aux meilleures idées, mais que c'est en suivant un meneur qu'ils se perdent dans les plus mauvaises. Vous comme moi savons que les sombres idéaux des traîtres à l'humanité disparaissent avec eux. Dites à nos semblables que pendant qu'ils perdent leur temps devant des écrans, l'histoire continue à s'écrire, souvent à leurs frais. Je suis certain que vous saurez quoi faire de ces modestes réflexions.

Je ne sollicite aucun pardon pour mes fautes mais vis-à-vis de mes proches, j'aimerais vous demander l'immense faveur de ne rien leur en dire. Ils n'ont pas à souffrir de mes erreurs. Je vous le demande en souvenir du futur.

Je suis heureux de vous avoir vu grandir. J'ai eu l'honneur de vous remettre votre diplôme, mais c'est vous seul qui avez eu le courage de gagner vos galons d'homme. Que la sagesse des alchimistes et des vrais savants vous préserve.

Bien à vous,

Ronald W.

P-S : J'espère que ce bon vieux Folker va bien. Saluez-le pour moi, s'il vous plaît.

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