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Au micro, Denker demanda :

— Veuillez déposer le premier échantillon.

Karen ouvrit la colonne du socle dressé au centre de la salle de lumière et en sortit un morceau de roche noire pailletée qu'elle déposa dans la coupelle placée au sommet. Avec ses gestes lents, sa longue robe et son masque, elle était pareille à un spectre flottant dans la lumière. Ben n'arrivait pas à accepter la réalité de ce qui se déroulait devant lui. De tout son être, il espérait que les forces bienveillantes qui l'avaient sauvé du tombeau égyptien allaient accomplir un autre miracle que celui que Denker attendait. Il pria pour que l'esprit d'Ânkhti existe et se manifeste à nouveau.

L'ingénieur en charge des mesures physiques annonça :

— Échantillon positionné.

Kord se tourna vers l'opérateur à la console.

— Alignez les pyramides.

L'homme enclencha une série de contacteurs et entra une séquence sur son clavier. Automatiquement, les plateaux supportant les antiques reliques de bronze pivotèrent pour orienter les cristaux face aux flux concentrés des miroirs. Lorsque la lumière traversa les sphères minérales, celles-ci se mirent à briller d'un éclat intense, et un puissant faisceau jaillit de chacune d'elles en direction de l'échantillon. Le phénomène avait un aspect surnaturel. Les quatre rayons convergeaient, dessinant une croix incandescente aux nuances orangées.

En voyant Karen cernée par ces traits plus vifs que des lasers, Ben crut perdre la raison. Bousculant Wheelan, il se jeta sur Denker. L'effet de surprise lui permit de lui asséner un violent coup de poing au maxillaire, mais les gardes réussirent à le maîtriser avant qu'il ait pu le saisir à la gorge comme il en avait l'intention.

À l'écran, l'échantillon commençait à rougeoyer. La mesure thermique révélait une élévation de température incroyablement rapide. En se recoiffant, Denker prit le temps de se tourner vers son agresseur.

— Pourquoi ce geste désespéré ? Comment osez-vous perturber ce que nous vivons ?

— Je vais vous tuer.

— Ma famille est habituée à ce genre de menace. Ça n'a jamais marché. Il existe deux sortes de mort, monsieur Horwood. Celle que nous subissons et celle que nous infligeons. Nous nous efforçons de repousser la première en contrôlant la seconde. Tâchez d'y penser.

Il revint aux écrans. L'échantillon désormais rouge vif était en train de fondre sans qu'aucune autre forme de réaction se produise. Les indicateurs de radiation restaient à zéro. Karen reculait sur la passerelle mais elle n'avait pas la moindre échappatoire.

L'un des ingénieurs annonça :

— Absence de fission. La matière entre en fusion mais ne présente aucun signe de déstabilisation des atomes.

Denker eut un mouvement d'agacement.

— Passons à l'échantillon suivant. Le soleil ne sera plus là longtemps.

L'homme à la console fit pivoter les supports pour rompre l'alignement des pyramides et interrompre les faisceaux. Denker ordonna à Karen de placer le réactif suivant sur le socle. Maintenu par ses deux geôliers, Horwood n'avait plus aucune latitude de mouvement. Observant la scène du fond de la salle, le professeur semblait anesthésié par les événements.

Lorsque les faisceaux bombardèrent la nouvelle cible, Benjamin eut la sensation d'assister à une épouvantable séance de roulette russe. Denker était décidé à tester tous les spécimens de matière possibles pour tenter le diable. Pour chaque essai, le même suspense, le même danger. Les supports des pyramides tournaient comme des barillets. À chaque nouvelle substance exposée, le risque que le coup parte augmentait.

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