Une aube comme au premier jour, pure et silencieuse. La brise déjà tiède frôle la peau. Les oiseaux volent au ras des flots en criant. Au loin, la silhouette du grand temple domine. Ben se tient debout, sur la rive du lac Nasser.
Karen l'a laissé seul, elle l'attend plus loin. Ses cheveux sont détachés et elle porte une robe légère. Le vent en joue, elle s'en amuse tout en observant discrètement son compagnon. Elle sait à quel point l'instant est important pour lui.
Benjamin retire ses chaussures. Il avance dans l'eau. Elle est fraîche. Il respire vite mais s'efforce de reprendre un rythme apaisé. C'est à lui d'instaurer la sérénité.
Sous la surface, juste devant lui, tout au fond, se trouve le tombeau secret. Il ne se souvient plus de ce qu'était sa vie avant cette aventure. Comme s'il était vraiment né ici. Il revoit les fresques murales, les ailes et les soleils, tous les objets logés dans le sarcophage, la météorite… Il songe aussi à la solitude glacée de sa gardienne. Sa gorge se serre.
Lentement, il ouvre les mains et laisse échapper son offrande. Des pétales de lotus blanc tombent sur l'eau. Le souffle les disperse déjà, comme des felouques aux voiles immaculées sur le Nil. La fleur des pharaons, celle dont on faisait des guirlandes pour honorer les dieux. Symbole de la pureté du jour, s'ouvrant au lever du soleil et se refermant au crépuscule. Tout est dans la lumière.
Benjamin regarde les pétales s'éloigner sur les flots. Comme à chaque fois qu'une femme lui manque, il murmure :
— Je suis revenu pour toi. Repose en paix, Ânkhti. Ton secret est désormais le mien. Te voilà libre de retrouver tes ancêtres, relevée de ta mission. Merci de m'avoir sauvé. Merci pour Karen. Depuis mon retour, je ne rêve plus de toi, mais je ne t'oublierai jamais. À bientôt, dans ton monde ou le mien…
Il demeure immobile, recueilli. Un courant d'air l'enveloppe tout à coup, le vent semble l'enlacer puis disparaît, emportant avec lui les pétales comme une main invisible. Benjamin sourit. Il regagne la berge, pressé de retrouver Karen. Il marche vers elle, et ses pieds déchaussés se blessent sur les cailloux à chaque pas, lui donnant la démarche malhabile d'un enfant. Pour lui laisser tout le temps dont il a besoin, elle s'abstient d'aller à sa rencontre. Elle doit attendre qu'il vienne à elle.
Après avoir grogné et pesté contre l'inconfort du chemin, il l'embrasse.
— Encore en train de te plaindre.
— C'est une torture…
— De loin, ça donnait l'impression que tu avais bu.
— Tu ne t'es pas vue après l'explosion… West se fera un plaisir de te décrire.
Elle rit. Il finit par enfiler ses chaussures, respire à fond et demande :
— Que dirais-tu d'aller promener tes enfants au parc ?
Elle le regarde, interloquée.
— Ce serait sans doute très agréable, mais je n'ai pas d'enfants.
— Il y a peut-être une solution pour y remédier…