Scott ouvrit le réfrigérateur de Jenni et haussa les sourcils. Des yaourts au lait de soja, des salades, une dizaine de kiwis impeccablement alignés et des bouteilles de verre remplies de jus étranges. Nelson arriva en trottinant et se frotta sur ses jambes.
— Eh bien, mon pote, fit Kinross à voix basse, je ne vois pas ce qui peut te faire envie là-dedans. Je vais être obligé de te piquer quelques croquettes pour ne pas crever de faim.
Le chat miaula, insistant.
— Qu’est-ce que tu veux ? Un kiwi ? Tu vas savoir te l’éplucher tout seul ?
Scott repéra la bouteille de lait et la prit. Le chat le suivit. Il ouvrit les placards à la recherche d’un bol. Jenni passa, sortant de la salle de bains, ses cheveux enroulés dans une serviette :
— Il a déjà un bol, au pied de la table derrière toi. Il faut lui faire chauffer le lait avant. Et à la casserole. Monsieur ne veut pas de lait chauffé au micro-ondes.
Scott considéra le chat :
— Tu n’aimes pas les micro-ondes ?
Il se baissa pour le caresser.
— Tu devrais faire de la recherche et nous expliquer pourquoi. Il y a sûrement une bonne raison.
Nelson se mit à ronronner sous les caresses. Kinross interpella Jenni :
— Tu es toujours en colère contre moi ?
La jeune femme ne répondit pas. Scott la chercha de pièce en pièce et la trouva dans sa chambre, en peignoir, en train de choisir ses vêtements devant son armoire. Il s’appuya au chambranle de la porte.
— Tu m’en veux encore d’avoir soupçonné Greenholm ?
— Je ne t’en veux pas de l’avoir soupçonné, je te trouve grossier d’en avoir parlé le jour même de l’enterrement de sa femme. C’est tout.
La vigueur avec laquelle Jenni passait les cintres en revue en disait long sur son état de nerfs. Kinross demanda :
— Hier soir, tu n’avais pas l’air très heureuse que je reste avec toi.
— C’était gentil à toi, mais je m’en serais sortie toute seule.
— Tu aurais préféré que Hold te tienne compagnie ?
Jenni se retourna et lui décocha un regard sans ambiguïté.
— Je ne sais pas comment un garçon aussi intelligent que toi peut sortir des trucs aussi stupides…
— Certains confrères ont des théories passionnantes sur le sujet.
Elle malmena un autre cintre et préféra passer à autre chose :
— As-tu fini de me préparer tes notes pour le conseiller en brevets ?
— Tu auras tout ce soir. De toute façon, si quelque chose n’est pas clair, il te le dira. Je n’ai aucune idée de la manière dont ce genre de dossier se monte légalement. On pourra toujours demander conseil à Greenholm. Au fait, tu sais si David t’accompagnera ?
— Il m’a dit que non.
— Il t’a dit que non… nota Scott un brin ironique.
Jenni passa dans la salle de bains pour s’habiller. Scott se retrouva seul et en profita pour regarder les quelques photos alignées sur la coiffeuse. Il y en avait beaucoup d’Aden, une seule de Mark et trois de Nelson. Scott fut surpris de découvrir aussi deux clichés de lui. Un avec Jenni, pris lors d’une séance de travail qui s’était éternisée au labo ; l’autre, à l’occasion d’un congrès à Paris. Scott sourit. Au nombre de photos, il était devant Mark mais se faisait battre par le chat. Il prit celle de la séance de travail. Jenni et lui y figuraient côte à côte, derrière une table couverte de documents. À ce moment-là, ils ignoraient encore ce qu’allait révéler leur découverte. Sinon ils n’auraient pas souri comme cela.
Scott replaça la photo sur la coiffeuse. En forçant la voix, il demanda à travers la porte :
— Tu te souviens, lorsque nous avons commencé à travailler ensemble, on se faisait des réunions, juste pour échanger des idées, « pour voir large » comme tu disais…
— Toutes les deux semaines. Dommage qu’on ne le fasse plus.
— C’était bien. Pourquoi a-t-on arrêté ?
— Trop de choses à faire, tes patients, le labo, et puis les jours qui filent…
Jenni oublia volontairement de mentionner que Diane avait aussi fait des crises de jalousie au sujet de ces rendez-vous informels en dehors des heures de travail.
— Il faudrait en reprendre le temps, répondit Scott. On en a besoin.
Jenni ouvrit brusquement la porte de la salle de bains. Elle était habillée, coiffée et maquillée. Scott n’osa pas lui dire qu’elle était magnifique, mais elle l’était. La jeune femme le fixa et dit :
— À propos de Hold, il faut que je te dise quelque chose.