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— Vous en faites une tête ! Quelque chose cloche avec les analyses ?

— Je dois vous parler, discrètement.

Edna dormait dans le fauteuil et Greenholm était toujours inconscient. Scott prit la fiche de suivi au pied de son lit et désigna un chiffre au hasard. Il se décala vers Hold et murmura :

— Un type qui sait tout ce que je fais vient de me menacer…

— Pardon ? fit Hold.

— Quelqu’un me surveille, il nous observe peut-être en ce moment. David, il a menacé de me tuer si je ne lui donnais pas tous nos travaux.

Scott avait du mal à contenir sa fébrilité.

— Quand avez-vous reçu cet appel ?

— Il y a trois minutes. Il va rappeler dans une heure. Je dois lui obéir, sinon il me tue.

La main du docteur s’était crispée sur la feuille au point de la froisser.

— Calmez-vous, Scott.

Hold réfléchit un instant et ordonna :

— Allez tout de suite en salle d’IRM.

— Pourquoi faire ? David, c’est…

— Ne discutez pas. Allez immédiatement à votre salle d’IRM. J’arrive.

Même s’il n’en comprenait pas la raison, Scott était presque rassuré que quelqu’un lui dise quoi faire. Il quitta la zone de réanimation et descendit au rez-de-chaussée vers le bâtiment d’examens. Il poussa une série de portes couvertes de symboles d’avertissement et se dirigea vers la section d’imagerie à résonance magnétique. Il croisa un brancard, franchit un sas et atteignit enfin son but. Près de la console, l’opérateur était en train de taper un compte rendu. Sans même regarder qui venait d’entrer, il déclara :

— Si c’est pour l’examen rénal, j’ai presque fini. Il faudra voir ce qu’en pense le chirurgien, mais je crois qu’il n’y aura pas besoin d’opérer. On peut libérer le bloc.

— Je ne viens pas pour ça.

L’homme se redressa. Hold entra au même moment dans le service.

— Désolé, monsieur, réagit l’opérateur, vous n’avez pas le droit d’être là.

— Il est avec moi, intervint Kinross.

Hold désigna la salle renfermant l’imposant appareil d’examen et déclara :

— Un détail à vérifier sur les installations électriques. On en a pour une minute.

Une fois enfermés à l’intérieur, Hold vérifia sa montre :

— Il vous reste quarante-neuf minutes, Scott. Est-ce que vous avez de quoi vous changer complètement ?

— Pardon ?

— Est-ce que vous avez d’autres vêtements ?

— Oui, dans mon placard en haut. Pourquoi m’avoir fait descendre ici ?

— Les salles d’IRM sont imperméables aux ondes. Rien ne doit sortir, rien ne peut entrer. Ici, quels que soient les moyens de celui qui vous a menacé, il ne peut pas nous entendre. Racontez-moi.

— Il n’y a pas grand-chose à raconter. Un homme a téléphoné, il veut tous les documents relatifs à l’indice et à nos recherches. Il exige aussi que je n’en parle plus jamais. Il m’a promis de l’argent, beaucoup d’argent. Si je refuse, je suis mort. Et pour me prouver qu’il ne plaisantait pas, il a éteint la lumière du bureau et une visée laser est venue se poser sur moi.

— Vous avez vu d’où elle provenait ?

— Non, franchement, désolé, je n’y ai pas pensé. J’étais en ligne de mire ! Peut-être du toit de la chaufferie, mais ça fait une sacrée distance…

— Tous vos comptes rendus de travaux sont ici ?

— Oui, dans mon bureau, j’ai tout rassemblé, à votre demande d’ailleurs…

— Détendez-vous, Scott. On ne s’en sortira pas si vous cédez à la panique.

— Ce n’est pas vous qu’on a menacé de mort !

— On va lui faire croire que vous acceptez le marché. Il suffit ensuite de ne pas tout leur donner.

— Il sait exactement combien j’ai de classeurs, de disques. Il m’a donné la liste des éléments. Ce type sait tout. Je suis certain qu’ils sont déjà venus fouiller dans mon bureau. Vous voulez que je vous dise la vérité ? Je crois que s’ils avaient été capables de comprendre mes notes sans moi, je serais déjà mort. Ils ne veulent pas tuer le mode d’emploi.

— Ils vont donc hésiter à vous éliminer, c’est une bonne nouvelle.

— Formidable, en effet. Je me demande pourquoi je ne saute pas de joie.

— Vous dites qu’ils ne comprennent pas complètement vos travaux, c’est peut-être une chance. Ils s’attendent à avoir des dossiers et des disques mais il leur faudra sans doute un peu de temps pour s’apercevoir que le contenu est incomplet ou faussé…

— En général, j’aime bien votre manière de faire, David, mais là, c’est avec ma vie que l’on joue. Et puis, je ne peux rien sortir du bureau. Le type a été clair, si je sors les documents, il me bute. On est coincés. En plus, ils ont certainement déjà des hommes dans l’hôpital. Vous vous rendez compte, il y a peut-être des tueurs dans mon service !

Hold réfléchissait aussi vite que possible.

— Ce qu’il faudrait, c’est prendre vos documents et les falsifier.

— Plus facile à dire qu’à faire. Là, tout de suite, j’ai plutôt envie d’aller demander la protection de la police et de prévenir Jenni pour qu’elle se barricade ou se réfugie à l’ambassade. Le type m’a clairement laissé entendre qu’il était derrière ce qui s’est produit à Glenbield. Il s’est même permis de faire de l’humour sur la mort de Falsing, le fumier !

Le regard de Hold s’assombrit.

— S’ils sont assez puissants pour commettre ce genre de choses, vous ne serez à l’abri nulle part. Vous pourriez demander à une infirmière d’aller chercher vos documents ?

— S’ils en savent assez pour me préciser la couleur de mes dossiers, alors ils savent aussi que personne ne touche jamais à mon bureau à part moi. On aura juste un mort de plus.

— Il faudrait y aller sans qu’ils le remarquent.

— Brillant, mais un peu compliqué à mettre en pratique.

Soudain, Hold s’immobilisa :

— Dites-moi, docteur, vous m’avez parlé d’un petit qui vous rend visite et que personne n’attrape, un magicien selon votre propre expression…

Kinross s’étrangla :

— Vous n’allez pas risquer la vie d’un gamin de dix ans ?

— C’est vous qui risquez la vôtre, docteur. Lui, je sais comment faire pour qu’il s’en sorte sans bobo…

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