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Kinross et Schenkel aidaient Jenni à marcher pendant que Hold et Fawkes les encadraient, arme au poing. Le petit groupe se déplaçait avec prudence, sécurisant chaque intersection de couloir et vérifiant les ouvertures potentiellement dangereuses. Hold se servait du badge pris au garde pour ouvrir les portes. Jenni suivait le mouvement et, malgré la nécessité d’être discrets, elle ne pouvait s’empêcher de raconter tout ce qu’elle avait vu, tout ce qu’elle avait cru. En chuchotant, elle parlait vite, se soulageait, et posait aussi beaucoup de questions.

— La tempête de neige est finie ?

— Depuis hier, répondit Scott. Il t’a retenue prisonnière longtemps ?

— Peut-être deux jours. Avant, il m’a sorti le grand jeu. Un vrai conte de fées. Ce Brestlow est un piège vivant.

— C’est ce que nous avons cru comprendre en enquêtant sur lui.

Après avoir franchi la porte du quartier des chambres, ils reprirent leur souffle. C’est alors que le premier coup de feu déchira le silence. Hold riposta immédiatement, sans atteindre le tireur embusqué au niveau de la salle de bains. Fawkes poussa le reste du groupe à l’abri dans une chambre et revint appuyer David.

— Rendez-vous ! leur cria une voix. Vous n’avez aucune chance, vous ne sortirez jamais d’ici !

Hold avait pris position dans un renfoncement, de l’autre côté du couloir. Il rechargea son arme et indiqua à son jeune équipier qu’il avait repéré deux tireurs.

Dans la chambre, Jenni sursautait à chaque coup de feu. Elle se mordait les lèvres en silence. Scott lui prit la main pour la rassurer et s’aperçut qu’elle avait du sang plein les doigts. Il s’affola et commença à l’ausculter. Avec des automatismes de professionnel, il vérifia ses bras, son cou, lui pencha la tête et souleva son gilet.

— Mais qu’est-ce que tu fabriques ? lui demanda-t-elle.

Thomas se pencha vers eux :

— Ne cherchez pas, docteur, c’est moi qu’ils ont eu.

Alors que les échanges de tirs s’intensifiaient dans le couloir, Kinross s’approcha du jeune frère. Le blessé désigna son épaule. Une tache de sang imbibait déjà son sweat-shirt.

— Pouvez-vous remuer les doigts ? interrogea Kinross.

Thomas s’exécuta en grimaçant.

— Essayez de plier légèrement votre bras, insista le docteur.

Schenkel poussa un gémissement mais y parvint.

— Vous avez de la chance, commenta Kinross.

Scott arracha un drap du lit qu’il déchira pour confectionner un pansement de fortune.

— Collez-vous ça sur la plaie pour freiner l’hémorragie.

Dans le couloir, Hold et Fawkes tenaient leur position. Des impacts criblaient les angles des murs derrière lesquels ils s’étaient abrités. Pour obliger les deux tireurs à quitter leur retranchement, Hold décida de s’approcher d’eux. Il fit signe à Fawkes de se tenir prêt à le couvrir. Lorsqu’il se dégagea, il essuya un tir nourri qui déchiqueta le bois à quelques centimètres de son torse. Il plongea dans l’embrasure suivante. Fawkes ne manqua pas sa cible. L’un de leurs deux adversaires s’écroula. Le jeune garde du corps fit signe qu’il allait à son tour tenter la même manœuvre. Il bondit hors de la chambre et roula sur le sol. Le dernier homme embusqué arrosa alors le couloir sans vraiment viser. Hold le toucha en deux temps. Une première balle l’atteignit au bras, lui arrachant un cri. L’individu tituba sous l’impact et se décala légèrement de son poste de tir, suffisamment pour que Hold le touche mortellement. L’homme s’écroula à terre.

— Bloque la porte du quartier ! ordonna Hold pendant qu’il se précipitait récupérer les armes.

Lorsqu’il revint à la chambre où étaient réfugiés ses trois compagnons, il découvrit Thomas, blanc comme un linge.

— Il a été touché, expliqua Kinross.

— C’est grave ?

— Je ne crois pas.

— Bon, on file au passage.

En longeant le mur, le groupe gagna la porte étanche qui menait à la partie désaffectée de la base. Découvrant la zone sombre et poussiéreuse, Jenni interrogea :

— C’est vraiment par ici la sortie ?

— C’est une longue histoire, répondit Kinross. Fais-nous confiance.

Pendant que Hold distribuait les lampes frontales, Fawkes entailla le sweat-shirt de Thomas avec son couteau pour évaluer la blessure. Le docteur éclaira la plaie.

— La balle est ressortie, je pense que seul le muscle a été touché.

— Tant mieux, plaisanta faiblement Thomas. Un Jésuite mort au combat, ça ne fait pas sérieux.

Hold s’adressa à Fawkes pour activer le mouvement :

— Ben, tu emmènes tout le monde aux motoneiges. Ne traînez pas. Si tu as l’impression qu’ils te poursuivent, fais sauter le passage. Compris ?

Le jeune commando hocha la tête.

— Et vous ? interrogea Scott.

— Je vais essayer de reprendre les documents des brevets.

— Je reste avec vous, affirma Kinross.

— Ne recommencez pas, docteur.

— À part vous faire tuer, qu’est-ce que vous comptez réussir à vous seul ? Vous n’êtes même pas certain d’identifier tous nos documents.

Jenni intervint :

— Je ne sais pas où Brestlow a pu les cacher. Sa résidence est un dédale truffé de gadgets high-tech. Il y a même des passages secrets.

Kinross prit les choses en main :

— Ben, Thomas, je compte sur vous pour sortir Jenni de ce traquenard. Dès que vous serez dehors, activez la balise radio et demandez la protection de la police.

Hold sentait la situation lui échapper. Fawkes eut un regard dans sa direction, mais c’est au docteur qu’il répondit :

— D’accord. Je vais vous laisser deux ou trois trucs qui pourront vous être utiles.

Le jeune homme déballa ce qu’il lui restait d’explosifs, ses détonateurs, des chargeurs, une arme de secours et une grenade.

— Ma mère avait raison, ironisa Scott, ce job va me tuer.

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