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Le bureau ressemblait à un QG en pleine guerre. Tersen poursuivait ses investigations, assisté de Thomas et de Ben. Boitillant, Greenholm s’obligeait à marcher autour d’eux. Installé au fond, Scott se balançait sur les pieds arrière de sa chaise en faisant taper le dossier régulièrement contre le mur. Par la fenêtre, il observait Hold, pendu au téléphone depuis un bon moment. Soudain, il le vit raccrocher et rentrer précipitamment.

— J’ai du neuf ! déclara celui-ci en rendant son portable au garde du corps. Le repaire de Brestlow est un domaine de près de mille hectares.

— Près d’Iroquois Falls dans l’est de l’Ontario, coupa Tersen, on le savait déjà.

Hold continua comme si de rien n’était :

— Les rares qui ont déjà entendu parler de lui m’ont confirmé qu’il était intouchable. Il ne sort jamais. Des relations partout, très haut placées. Personne n’osera s’en prendre à lui. Même sur les photos satellites, sa propriété est floutée. Pire qu’un président.

Kinross gronda :

— Alors, on laisse tomber Jenni ? On baisse les bras et il a gagné ?

— Pas du tout, docteur, intervint Hold. L’un de mes contacts dans l’armée m’a donné une info intéressante : la propriété de Clifford Brestlow n’a pas toujours été une réserve naturelle. C’est une ancienne base militaire qu’il a rachetée voilà une vingtaine d’années, lorsque le gouvernement se débarrassait de terrains d’entraînement devenus trop coûteux. Celui-là était d’autant plus inutile qu’il comportait des installations antiatomiques héritées de la guerre froide.

— Une ancienne base ? s’étonna Greenholm.

— Brestlow a fait d’énormes travaux, il a rasé les bâtiments de surface pour se construire un petit palace sans détruire pour autant les installations souterraines, officiellement pour des raisons de coût.

— Vous pensez qu’il s’est fait son petit bunker à lui ? demanda Tersen.

— Petit n’est pas exactement le mot… En cas de conflit nucléaire avec le bloc de l’Est, cette base était prévue pour accueillir un grand nombre de civils. Elle s’étend sur près de vingt-cinq kilomètres carrés, avec jusqu’à six étages enterrés dans le flanc d’une montagne granitique…

— Et c’est une bonne nouvelle ? ironisa Kinross.

— Puisque personne ne veut affronter ce monsieur de face, fit Hold, on peut tenter de le prendre à revers.

— Et comment ? s’inquiéta Endelbaum.

— D’ici quelques heures, j’aurai les plans complets de cette ancienne base, tout droit sortis des archives militaires déclassées. Je suis certain que Brestlow ne s’attend pas à me voir arriver.

— Vous comptez aller récupérer vous-même le professeur Cooper ? demanda Greenholm.

— Et peut-être même les papiers des brevets.

— C’est de la folie ! trancha Endelbaum.

— Qui d’autre le fera ? Vous préférez le laisser gagner ?

Scott avait cessé de se balancer. Il se leva et déclara :

— Si on n’a pas de meilleure solution, je pars avec vous.

— Docteur… objecta Greenholm.

— Jenni est ma partenaire, j’aurais dû être avec elle. Et ce sont nos brevets !

Le garde du corps fit signe à Hold.

— Si vous avez besoin de moi…

Greenholm ne savait pas s’il devait se réjouir ou être atterré. Schenkel leva la main :

— À quatre, on serait plus efficaces…

— Jamais de la vie ! s’étrangla Endelbaum. Vous êtes un chercheur, Thomas. Qu’est-ce que vous iriez faire dans cette opération suicide !

— Mon père, je ne vais pas rester ici les bras croisés. Si cet homme devait s’en tirer, je ne me le pardonnerais jamais. Pour Feilgueiras, pour Devdan et pour ce que le docteur et le professeur Cooper ont découvert, je dois y aller.

— Thomas, je n’apprécie pas ce ton !

— Si vous m’en empêchez, mon père, je romps mes vœux et je pars quand même.

Endelbaum leva les yeux au ciel. Greenholm vérifia sa montre et lança :

— Messieurs, l’heure tourne. Tâchons de trouver une solution alternative. Personne n’a besoin d’un carnage.

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