À l’abri de la porte blindée, Kinross étendit Hold à terre.
— Ne bougez pas, mon vieux. Parlez-moi.
— Négociez. Dites-leur qui vous êtes. Racontez que je vous ai traîné ici de force et essayez de vous sortir de là.
— Si c’est pour dire des trucs pareils, fermez-la. Je ne suis pas un spécialiste, mais ils n’avaient pas l’air prêts à négocier.
Avec précaution, Kinross releva les vêtements de son comparse. Il avait été touché à l’abdomen.
— Est-ce que vous avez du sang dans la bouche ?
— J’ai pas l’impression.
— Comment ça ? Vous en avez ou vous n’en avez pas ?
— J’en sais rien, j’ai tellement mal que je n’arrive pas à sentir.
— Faites un effort.
Kinross attrapa son sac à dos et fouilla pour trouver la pharmacie.
— On ne va pas pouvoir faire grand-chose avec le peu qu’on a emporté.
— Docteur, écoutez-moi.
— Je vais me servir de votre couteau pour découper vos vêtements. J’ai besoin d’y voir clair. Je dois savoir où la balle est logée.
Hold fit un effort et insista :
— Scott, vous avez une chance de vous en sortir. Il le faut.
Kinross trancha le tissu jusqu’à la poitrine.
— La plaie est nette. Vous perdez beaucoup de sang. J’espère qu’aucun organe vital n’est touché.
— Tu parles d’un diagnostic…
De sa main ensanglantée, David agrippa le poignet du médecin et l’obligea à écouter :
— Je vais vous expliquer comment échanger votre vie contre cette salle. Prenez mon détonateur et le badge qui commande l’autodestruction. Avec ça, ils vous prendront au sérieux. Si vous les tenez à la main en menaçant de tout faire sauter, ils vous laisseront partir.
— Vous racontez n’importe quoi.
— Ils sont sûrement de l’autre côté à se demander comment nous faire la peau.
— Vous croyez que je ne le sais pas ? Ils n’ont qu’à couper l’arrivée d’air et attendre. Ils nous ramasseront d’ici deux ou trois jours, comme des rats crevés.
— Alors, écoutez-moi et saisissez votre dernière chance.
Kinross changea de ton :
— Non. Vous, écoutez. Vous m’avez dit un jour que mon job était de réparer les catastrophes alors que le vôtre était de les empêcher. Au vu de la situation, nous n’en sommes plus à prévenir, c’est donc à moi de jouer.
— Ne gâchez pas tout.
— C’est vous qui êtes en train de tout gâcher, David. Pour le moment, on a réussi à retarder l’échéance. Je suis formé à ne jamais renoncer à la vie.
— Je vais crever ici. Autant que ce soit utile.
— Je ne sais pas ce que vous cherchez à prouver, mais c’est inutile. À nous deux, nous ne gagnerons pas contre Brestlow. Il faut sauver notre peau et on verra ensuite. On peut y arriver si vous m’aidez.
— Je n’en ai pas la force.
— David, si vous renoncez maintenant, Brestlow aura gagné.
— Les gens comme lui sont intouchables, ils contrôlent notre monde.
— Tout puissant qu’il est, il n’a pas réussi à me tuer et nous sommes parvenus à nous introduire chez lui, grâce à vous.
— Je vous ai jeté dans la gueule du loup.
— Ça suffit maintenant, vous ne me laissez pas le choix. Au diable le secret médical. Je vais vous confier un petit secret, David. Je sais exactement pourquoi vous êtes là. Je sais précisément pourquoi vous en voulez tellement à Brestlow. Je la connais, votre bonne raison. C’est votre père que Brestlow a tenté de tuer, et c’est pour cela que vous voulez tellement lui faire la peau.
Hold se figea.
— De quoi parlez-vous ?
— C’est moi qui étais présent lorsque William Greenholm a repris connaissance. Il a mis longtemps avant de retrouver la maîtrise de ses propos. Ses premiers mots n’ont pas été pour demander après sa femme, mais après son fils. Je n’ai pas été long à comprendre…
David fut pris d’un frisson. Kinross le redressa contre lui.
— Votre masque doit être lourd, monsieur Hold, et j’ignore quelles raisons vous obligent à le porter, mais il est grand temps de vous en débarrasser.
Hold leva les yeux :
— Je suis heureux que vous soyez le premier à savoir. Lorsque j’ai raté mes études d’ingénieur, mon père a eu peur que je ne sois pas capable de gérer l’héritage, alors il m’a envoyé en voyage. J’ai fait beaucoup de métiers, jusqu’à l’armée. Quand il m’a pris avec lui, comme il ne voulait pas que ses collaborateurs me voient comme le fils du patron, il m’a caché. Et nous sommes tous devenus prisonniers de ces rôles. C’est le seul point de discorde qu’il y ait jamais eu entre lui et Mary… ma mère.
David s’allégeait d’un poids qui l’étouffait depuis des années. Il toussa et ajouta :
— Vous direz à mon père que je ne lui en veux pas.
— Vous le lui direz vous-même. On va sortir de là, David, je vais reprendre mes recherches et vous allez enfin vivre votre vie.