— Vous avez été militaire ? demanda Kinross.
— Pendant quatre ans, opina Hold.
— Vous ne me l’aviez jamais dit.
— Vous ne me l’aviez jamais demandé.
— Cela explique beaucoup de choses.
— C’est-à-dire ?
— Votre efficacité sur le terrain…
Après une enfilade de salles vides aux murs de béton nu, ils tombèrent sur une porte étanche qui leur barrait le chemin. Elle ressemblait à celles des sous-marins. Hold vérifia son plan.
— Nous allons quitter les secteurs techniques. Derrière, ce sont des zones de vie. Docteur, Thomas, mettez-vous sur le côté et éteignez vos lampes.
Fawkes et Hold coupèrent eux aussi leurs lumières et dans l’obscurité, les deux hommes tentèrent de faire tourner la roue de verrouillage. Bien que les mécanismes soient récalcitrants, le panneau finit par se débloquer. Le grincement qu’il fit en pivotant sur ses gonds résonna dans l’immense labyrinthe souterrain. Fawkes braqua son arme. Aucun bruit. Le jeune homme ralluma sa lampe et franchit le pas de la porte. Aussi loin que son rayon portait, une salle immense s’étendait, remplie de sommiers sans matelas.
Schenkel se pinça le nez en entrant.
— Pas assez aéré, commenta-t-il.
— C’est fermé depuis vingt ans, fit remarquer Fawkes.
Le groupe reprit sa progression à travers ce dortoir lugubre et surréaliste. Les murs avaient sans doute été blancs autrefois, mais le temps leur avait donné une couleur beige foncé. On distinguait encore les inscriptions d’orientation peintes dans les couloirs et aux abords des portes. Le sol était uniformément recouvert d’une fine pellicule de poussière. L’air était sec, parfois vicié par de rares infiltrations d’humidité qui produisaient de grandes zones moisies.
— Vous devez être à peine plus jeune que moi, fit remarquer Thomas à Fawkes.
— J’ai 29 ans. 30 dans deux mois.
— 32.
— Il y avait peu de chances qu’on se rencontre un jour, remarqua le commando.
— Les voies du seigneur sont impénétrables.
— Honnêtement, j’ai été surpris quand vous avez dit que vous veniez. Ce n’est pas banal.
— Avez-vous une idée de ce sur quoi travaille le docteur ?
— Pas la moindre.
— Eh bien, si je ne l’avais pas su, je ne serais sans doute pas ici.
— C’est si important que ça ?
— Imaginez qu’un barrage soit sur le point de céder, menaçant la vie de centaines de milliers de gens. Que feriez-vous si vous appreniez qu’un type essaye de gagner une fortune en faisant payer ceux qui voudraient se servir des systèmes d’alerte ?
— Je le défoncerais et je donnerais l’alarme.
— C’est pour ça que je suis là.
L’oreille tendue, son arme à la main, Hold descendit les escaliers métalliques à pas feutrés. N’entendant pas un bruit, il ralluma sa lampe puis inspecta rapidement les plafonds et les murs à la recherche d’éventuels détecteurs. Il s’aventura ensuite dans le couloir, ouvrit quelques portes au hasard. Partout, le vide, la même odeur de renfermé. Il revint sur ses pas chercher ses compagnons.
— Nous approchons. Il faut redoubler de prudence.
Il déplia son plan et vérifia l’itinéraire :
— Nous allons traverser les réfectoires et les zones de stockage. Ici, aux ateliers, si nous n’avons rien rencontré avant, nous établirons une base de repli. C’est un étranglement, cela pourra nous permettre de couvrir notre fuite si on ressort par là. Ensuite, nous serons encore obligés de descendre d’un niveau dans ce dédale.
Hold replia sa carte. Il allait se remettre en marche lorsque Kinross le retint :
— Vous croyez que Jenni est encore en vie ?
— Ne vous posez pas ce genre de question, docteur. Vous savez que chacun de vos patients va finir par mourir. Il n’y a aucun doute là-dessus. Ce n’est pas pour ça que vous arrêtez de les soigner. Vous l’avez dit vous-même : changer la fin est impossible. Pour nous autres, pauvres mortels, tout ce qui compte, c’est de retarder l’échéance.