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Dans le ciel blafard, le soleil n’était qu’un disque blanc à peine visible à travers les nuages. La prédiction de David se révélait exacte. Dans la fourgonnette qui avait quitté Ottawa en direction de Rouyn-Noranda, l’ambiance n’était plus à la plaisanterie. La route était bordée d’immenses congères que l’incessant passage des véhicules avait rendues grisâtres. Hold s’adressa au chauffeur :

— Vous avez trouvé tout ce qu’il y avait sur la liste ?

— Sans difficulté. Il n’y a que la clé à bras de 38 qui nous a donné du souci. Qu’est-ce que vous allez faire avec ? Piquer un char ?

— Presque.

— Ils ne vont pas être légers, vos sacs à dos.

— Et pour le guide ?

— Il vous attend avec les motoneiges. C’est un ancien lieutenant-colonel qui connaît bien la région. Quand il était d’active, il y a dirigé des manœuvres pendant des années.

Dans son rétroviseur, l’homme jeta un coup d’œil à Fawkes, Kinross et Schenkel. Il se pencha légèrement vers Hold et demanda :

— Ils ont servi dans quelle arme, vos acolytes ?

— Le plus jeune a été SAS.

— Ce n’est pas de lui dont je parlais mais plutôt des deux autres…

— Un toubib et un genre de curé.

Le chauffeur dévisagea Hold et ne demanda plus rien.


Le point de rendez-vous était un restaurant sur la route de Cochrane. Une enseigne gigantesque dominait un bâtiment tout en longueur. Hawaii on the Rocks. Il fallait toute la puissance des néons fuchsia et bleus pour faire croire à la promesse dans le paysage glacial. Le parking était rempli d’énormes pick-up. Un chasse-neige haut comme une maison passa en klaxonnant. Sa lame entamait la neige accumulée sur les bords et la rejetait à une dizaine de mètres en retrait dans un spectaculaire giclement blanc.

— Votre gars doit vous attendre au bar. Un bonnet bleu. Je reste ici pour garder le chargement.

Hold enfila son blouson et descendit. Le froid était sec, mais il n’y avait pas de vent. Il monta les quelques marches du porche et entra dans le restaurant. De l’autre côté du sas encombré de casques et de bottes, il sentit l’accueillante chaleur l’envelopper. Plus aucune table de libre. Hormis les serveuses, il n’y avait que des hommes. Trois accoudés au bar, un seul portant un bonnet. Hold s’avança et lui tendit la main :

— Je crois que nous avons rendez-vous…

— Ça dépend.

— Pardon. Regi Patriaeque Fidelis.

— Vous auriez dû commencer par là.

— Pour un Écossais, « Fidèle au roi et à la patrie » est toujours un peu douloureux à prononcer, même si c’est la devise du 8e régiment des Canadian Hussars.

L’homme lui serra la main en se présentant :

— Abraham Lincoln.

Hold plissa les yeux. L’homme leva la main.

— Ne dites rien. Voilà presque cinquante ans que les gens font cette tête-là quand je leur donne mon nom. Je n’ai toujours pas pardonné à mes parents.

Le Canadien régla sa consommation et sauta de son tabouret. Une fois dans le sas, il remit ses gants :

— Je ne sais pas ce que vous tramez et ça ne me regarde pas, mais des tas d’histoires courent à propos de l’ancienne base.

— Quelles histoires ?

— Des gens qui n’en reviennent pas, des bruits. Ce genre de trucs.

— Vous connaissez bien ?

— J’y emmène régulièrement les gardes-chasses et les types de l’environnement. C’est ce que vous êtes officiellement. Vous savez où vous voulez aller ?

Hold sortit un morceau de papier avec la latitude et la longitude précises à la seconde près.

— On va rentrer ça dans le GPS, fit l’homme en hochant la tête. Vous avez de la chance. On a eu une tempête qui s’est terminée cette nuit. Si vous étiez venus plus tôt, j’annulais.

— Nous n’aurions pas pu attendre.

— Ici, lorsque les éléments disent non, aucun homme n’est assez taré pour dire oui.

— C’est noté.

— Je ne vous connais pas, mais vous pouvez vous vanter d’avoir des amis fidèles. En tout cas, personne ne m’avait encore jamais demandé un service avec une telle insistance.

— Il faut une bonne raison pour bien faire les choses.

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