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Le soleil déclinant allongeait les ombres des monts boisés dans une magnifique lumière. Le pilote volait vers le couchant, les yeux protégés par des lunettes noires. Par le flanc du cockpit, Hold voyait défiler les paysages sans vraiment y prêter attention. Dans quelques minutes, le vol de Jenni pour le Canada allait lui aussi décoller. L’hélico dépassa la côte et amorça sa remontée au-dessus du Fife. Dans le crépuscule, l’île d’Arran apparaissait comme une immense tache sombre aux bords déchiquetés, posée sur un flot d’or. Hold avait fait ce trajet des centaines de fois. Pour lui, rentrer d’Édimbourg par les airs était aussi banal que prendre le ring road vers les faubourgs après une journée de travail. Quelque chose attira pourtant son attention. Au loin, il lui sembla distinguer de la fumée dans le ciel.

— Vous avez vu là-bas ? demanda-t-il au pilote.

— Je viens de le remarquer. On dirait que ça brûle pas loin de chez nous.

L’homme poussa les gaz et l’appareil traversa le chenal plus vite que d’habitude. Les yeux plissés, Hold fixait la colonne de fumée. L’inquiétude s’empara de lui. Plus l’hélico approchait, moins il y avait de doute. Lorsque l’appareil piqua vers les terres, on distinguait nettement la colonne de fumée qui s’élevait à contre-jour.

— Bon Dieu ! jura le pilote. Je crois que ça vient de la propriété !

Cette fois, Hold sentit la panique monter. L’appareil bifurqua pour piquer droit sur le manoir. L’aile gauche de Glenbield était la proie des flammes. La grange adossée à la partie neuve n’était plus qu’un brasier qui léchait les murs du corps principal.

— Ne vous posez pas trop près, ordonna Hold. Larguez-moi sur le pré et allez stationner à bonne distance. C’est peut-être la cuve de gaz qui a explosé.


L’hélico plongea avant de se stabiliser au-dessus du gazon. Hold détacha sa ceinture, ouvrit la portière et sauta de l’appareil. Il se réceptionna dans l’herbe et se précipita aussitôt vers l’entrée principale. Près de la porte ouverte, Edna sanglotait, pétrifiée.

— Oh, monsieur David, c’est terrible !

Hold la prit dans ses bras.

— Vous n’avez rien ? Que s’est-il passé ?

— Je ne sais pas, j’étais partie sur la tombe de Madame. J’ai entendu l’explosion. Je suis rentrée en courant et j’ai trouvé le manoir en feu. Je n’ai même pas pu atteindre le téléphone pour appeler les pompiers.

Du couloir principal s’échappaient d’épaisses volutes noirâtres. Si le feu ne sévissait que sur l’aile la plus récente, la fumée avait envahi toute la bâtisse.

— Où est-il ? demanda Hold.

— Il était dans l’appartement… répondit Edna en tremblant.

Hold se raidit. Il ordonna :

— Allez vers Frank et restez près de lui. Qu’il se serve de la radio pour demander du secours.

Il retira sa veste et la posa sur les épaules de la gouvernante.

— N’y allez pas, monsieur David, fit celle-ci en essayant de le retenir.

Hold la regarda avec une tendresse inhabituelle et l’embrassa sur le front :

— Je le dois, Edna.

— J’aurais dû être là, j’aurais dû être avec lui.

— Vous n’y êtes pour rien.

Hold la serra encore une fois, retira doucement la main qui s’agrippait à son bras et fonça à l’intérieur du manoir.

Dans l’entrée, il attrapa au passage un coussin sur un fauteuil et le plaça sur son nez. Contre le flot de fumée, il remonta le couloir. La visibilité était nulle. S’il n’avait pas connu la maison comme sa poche, il n’aurait eu aucune chance. Il passa par l’office et prit la lampe de secours. Il ramassa des torchons et les passa sous le robinet. Il se rinça le visage, se mouilla les cheveux, s’attacha un linge humide autour du nez et s’enroula les autres autour des mains. Ses yeux le piquaient. Il suffoquait à moitié. La fumée n’expliquait cependant pas à elle seule son état. Il y avait aussi des larmes et de la colère. Hold s’engagea dans le dédale de couloirs en courant. Le faisceau de sa lampe se perdait dans le brouillard asphyxiant.

Plus il progressait vers l’aile neuve, plus l’atmosphère était dense. Il toussa, tituba mais il n’était pas question qu’il renonce. La température montait, les craquements des flammes résonnaient de plus en plus proches. Une fois au pied de l’escalier ouest, il ouvrit le placard sous les marches et en sortit un extincteur. Il continua sa route. Lorsqu’il arriva à l’entrée de la salle où était reconstitué l’appartement, il découvrit que la porte était en feu. Il envoya une giclée d’extincteur et, sans hésiter, la défonça d’un violent coup de pied.

La plus grande des salles de Glenbield était un enfer. Le mur mitoyen de la grange technique était éventré et les flammes de la citerne à gaz sifflaient, extrêmement virulentes. Les structures de bois qui entouraient l’appartement brûlaient et menaçaient de s’effondrer. L’appartement lui-même était un brasier. Hold se rua sur la porte du décor et la pulvérisa dans une gerbe de poudre d’extincteur.

Les flammes étaient partout, léchant les murs. Le sol gondolait. Hold pulvérisa de la poudre dans toutes les directions. Il traversa le salon en renversant une petite table en feu. Il passa dans la chambre, repoussant les flammes à coups de jet d’extincteur.

Le faisceau de sa lampe accrocha une forme allongée sur le lit. En deux enjambées, il fut sur elle. Greenholm était inerte. Hold posa la main sur sa poitrine, mais il ne réussit pas à sentir s’il respirait encore. Partout autour d’eux le feu montait, dévorant les souvenirs d’une vie. David poussa un cri de rage. Il défit ses torchons et les plaça sur le vieil homme.

— Pas comme ça, pas maintenant !

Il essaya de lui faire du bouche-à-bouche, mais comme lui-même n’avait plus assez de souffle, il s’étouffa. En grognant, il chargea Greenholm sur son dos. Son extincteur était presque vide. Hold étudia la meilleure option de sortie. La porte n’était plus praticable.

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