3 L’essor de la Lituanie



En ce temps-là, le peuple de Lituanie grandit en force et entreprit de piller les possessions d’Alexandre. Lui, les repoussait et les rossait.

Vie d’Alexandre Nevski.


Le biographe d’Alexandre Nevski dit vrai : au début du XIIIe siècle, les Lituaniens « grandissent en force ». Ils ont commencé à piller les terres russes beaucoup plus tôt, comme, d’ailleurs, à se protéger des incursions des princes russes. La chronique de Nestor les mentionne parmi les peuples versant un tribut à Kiev. Elle relate les campagnes de Vladimir le Soleil Rouge contre les Lituaniens, en 983, et de Iaroslav le Sage, en 1040. L’absence de détails concernant ces victoires semblerait indiquer l’absence des victoires elles-mêmes : guerriers audacieux, vivant dans d’impénétrables forêts, les Lituaniens défendirent avec succès leur territoire.

Les Lituaniens constituent une des tribus baltes établies, depuis le fond des âges, sur les terres allant de la mer Baltique jusqu’en aval de la Vistule et du Boug occidental. Païens, guerriers braves et féroces, ils vivent, outre de pillages, de chasse et de pêche. Jusqu’au début du XIIIe siècle, ils n’ont ni villes ni organisation d’État, au sens de force politique unificatrice. L’arrivée des Allemands est l’impulsion qui projette les Lituaniens au cœur de la vie politique de l’Europe orientale. En 1226, Conrad de Mazovie en appelle à l’Ordre teutonique, parce qu’il ne peut venir à bout lui-même de la tribu balte des Prusses, voisins des Lituaniens et, comme eux, païens. Installés sur le petit territoire offert par Conrad sur la Vistule inférieure, les croisés ne cessent d’élargir leur possessions, subjuguant les tribus locales qu’ils convertissent au christianisme et, en cas de résistance, anéantissent. En un demi-siècle, ils ont conquis la terre des Prusses, disparus au cours des combats, et soumis les Lettons. Les Lituaniens résistent avec acharnement, réussissant, en même temps, à créer un État fort.

L’apparition de la Lituanie sur la scène de l’Histoire relève de ces énigmes historiques que l’on explique de multiples manières, sans parvenir à épuiser le phénomène. On a calculé qu’à la fin de la période tribale, les trois principaux peuples baltes étaient à peu près égaux par le territoire et la population : près de cent quarante-cinq mille personnes et cinquante-huit mille kilomètres carrés pour la Lettonie, soit 2,5 habitants au kilomètre carré ; cent soixante-dix mille âmes et quarante-deux mille kilomètres carrés pour la Prusse, soit 4 habitants au kilomètre carré ; cent soixante-dix mille personnes et cinquante-huit mille kilomètres carrés pour la Lituanie, soit 3 habitants au kilomètre carré1. Un siècle plus tard, la Lituanie est un adversaire sérieux pour la Horde d’Or et la principauté de Moscou : les domaines du grand-duc de Lituanie s’étendent de la Baltique à la mer Noire.

Peu nombreux, se taillant un empire à la force du glaive, les Lituaniens ne sont cependant pas tout à fait une exception dans l’Histoire. Ils n’ont fait qu’imiter leurs voisins des bords de la Baltique, les Varègues ou Normands qui, au IVe siècle, atteignaient Kiev et entreprenaient d’y édifier leur puissance. Les Varègues suivaient les fleuves, les Lituaniens aussi, mais ils ont, en plus, une cavalerie. Comme les Varègues, les Lituaniens sont païens. La conversion de la Russie au Xe siècle devait jouer, nous l’avons vu, un rôle essentiel dans la création d’un État russe puissant. Les Lituaniens édifient leur État, en restant païens. Ils n’adopteront le christianisme qu’au XIVe siècle – les derniers en Europe.

L’apparition de l’Ordre de Livonie engendre un danger contre lequel les princes lituaniens unissent leurs forces. Entre 1200 et 1236, les Lituaniens effectuent vingt-trois raids contre les Livoniens, et quinze contre les Slaves voisins. Dans les années suivantes, la proportion s’inverse : entre 1237 et 1263, on compte cinq raids contre les Livoniens, et vingt-huit contre les Slaves. La raison en est évidente : les Porte-Croix sont de plus en plus forts, et les principautés russes, déchirées par les guerres intestines, de plus en plus faibles. C’est alors qu’apparaît Mindaugas, l’un des innombrables princes lituaniens. En 1248, il s’empare de Novgorodok, sur le cours supérieur du Niemen, et commence, obstiné et habile, à accroître ses possessions. La chronique rapporte les événements sans fioritures particulières, mais de façon éloquente : « Mindaugas était l’autocrate de toute la Lituanie… Régnant sur la terre lituanienne, il tua ses frères et neveux, chassa les autres et se mit à gouverner seul… »

Les trente années de son règne sont une période de consolidation de l’État lituanien, d’élargissement de son territoire au détriment des terres russes, et de résistance à la pression allemande. En 1250, Mindaugas, qui porte le titre de grand-duc, se convertit au catholicisme et reçoit du pape la couronne royale. Réunissant un nombre suffisant de forces, il met en déroute les Porte-Croix sur le lac Durbé, et revient au paganisme. Il fait massacrer les catholiques de son entourage, sans doute pour mieux affirmer la sincérité de son retour à sa foi originelle.

En 1263, Mindaugas est assassiné par son neveu. Commence alors une longue période de troubles, mais l’État instauré ne s’effondre pas. L’un des éléments essentiels de la consolidation, est l’adoption du principe de transmission de la couronne du père au fils, ou du frère aîné au cadet. À compter de la fin des années 1380, jusqu’en 1572, soit près de trois cents ans, la Lituanie sera gouvernée par une seule et même dynastie.

Le véritable fondateur de la puissance lituanienne est le grand-duc Guédimine, dont le règne s’étend approximativement de 1315 à sa mort, en 1341. La chronique rapporte que, chargé d’une nombreuse famille, il voulut doter ses fils et ses filles de terres et, en conséquence, ne cessa d’élargir ses possessions. Se protégeant, à l’ouest, des Chevaliers teutoniques, Guédimine progresse rapidement au sud et au nord. Sa puissance s’étend de Pskov aux limites méridionales de la terre de Kiev, de la Haute-Volga à la Volhynie. La capitale de l’État est transférée à Vilnius.

Les Slaves représentent une part importante de la population de l’État lituanien. Guédimine porte le titre de grand-duc des Lituaniens, des Samogitiens2 et des Russes. Le terme de « Russe » doit être entendu ici dans un sens religieux, et non ethnique. Les « Russes » en question sont donc, avant tout, orthodoxes. En même temps, l’orthodoxie est porteuse d’une culture bien supérieure à celle, païenne, des Lituaniens. Les Russes servent dans l’armée, on les trouve à la cour (une partie des fils de Guédimine s’est convertie à l’orthodoxie), ils remplissent fréquemment des missions diplomatiques. Le russe (en l’occurrence, un dialecte slave qui deviendra le biélorusse) est la langue parlée par la majorité de la population.

La mort de Guédimine, en 1341 – année où meurent également le khan Özbeg et Ivan Kalita – plonge la Lituanie dans cinq années de troubles : le frère du prince et ses sept fils morcellent le pays. Peu à peu, les deux fils les plus capables de Guédimine – les deux derniers païens de la famille –, Olgerd et Keistutis, prennent le pouvoir en main. Ils régneront en bonne intelligence pendant près de trente ans sur la Lituanie, dont ils feront une grande puissance. Les deux frères se répartissent les tâches et les capitales : à Troki, Keistutis défend les frontières occidentales du pays contre la pression allemande ; à Vilnius, Olgerd s’attache à étendre les possessions lituaniennes, au détriment des principautés russes. Keistutis demeure un païen convaincu. Olgerd, lui, est bienveillant envers l’orthodoxie – sa première femme est une princesse de Vitebsk, la seconde une princesse de Tver –, mais ne renonce pas au paganisme.

Le règne des fils de Guédimine est marqué par une lutte acharnée contre Moscou et représente un moment charnière dans l’Histoire. En 1358, Olgerd formule sa politique de la façon la plus concise et laconique qui soit : « Toute la Rus doit appartenir à la Lituanie3. » Cela signifie, d’emblée, un conflit avec Moscou qui, à l’époque, a des projets similaires ; un conflit particulièrement aigu, car la Lituanie et la principauté de Moscou se ressemblent, tout en gardant, chacune, nombre de traits spécifiques. Leur divergence politique fondamentale réside dans le fait que Moscou fonde invariablement sa politique sur la collaboration avec les Tatars, et la Lituanie sur l’alliance avec les princes russes, principalement celui de Tver.

En douze ans de règne, le prince de Moscou Siméon le Superbe ne se rend pas moins de cinq fois à Saraï, afin de demander de l’aide contre les Lituaniens. Le « bon khan Chadi-beg », comme le nomment les chroniqueurs, se montre bienveillant envers Siméon et lui apporte son soutien. Olgerd agrandit les frontières de la Lituanie, mettant à profit les querelles des princes russes, mais il laisse aux terres annexées une importante autonomie. Certains historiens évoquent même le caractère fédéral de l’État lituanien, en songeant plus particulièrement à Polotsk, Vitebsk, Smolensk, qui conservent une assez large indépendance. La tolérance religieuse est strictement pratiquée ; bien plus, les princes lituaniens se convertissent à l’orthodoxie pour renforcer leurs positions dans les territoires conquis. Évoquant l’annexion des « terres ukrainiennes » par les Lituaniens, Mihajlo Grouchevski explique la facilité avec laquelle ils remportèrent la victoire, par le fait que « les populations en avaient assez des désordres et de la servitude tatare ». Le pouvoir de la Lituanie était d’autant plus acceptable que « les princes lituaniens n’intervenaient pas dans les affaires locales et ne changeaient rien aux usages. Leur mot d’ordre était : “Nous ne touchons pas à l’ancien, nous n’imposons rien de nouveau”4. »

Les mariages dynastiques sont un instrument capital de la politique lituanienne. Les héritiers de Guédimine sont rattachés par de très nombreux liens à Tver : Olgerd a épousé la fille d’Alexandre de Tver et Ivan de Tver s’est marié avec la fille de Keistutis. Boris, prince de Nijni-Novgorod (qui, au XIVe siècle, devient un important centre de négoce sur la Volga et autour de laquelle sont regroupés de vastes territoires allant presque jusqu’à Moscou), prend pour femme une fille d’Olgerd. Il a pour beaux-frères Ivan de Novossil et Sviatoslav de Karatchev, également voisins des terres moscovites.

À l’instar des princes de Moscou, Olgerd vise le pouvoir autocratique et veut assurer la couronne aux représentants d’une seule dynastie, dont tous les membres auront une terre (chacun de ses douze fils reçoit un domaine), à la condition de se soumettre à l’aîné. Là encore, le modèle, pour le grand-duc de Lituanie, est Moscou. Dans les années du règne d’Olgerd et Keistutis, la Lituanie devient un puissant État militaire, dont l’armée se couvre de gloire. L’écrivain grec Nicéphore Grégoras (mort en 1360) traduit l’opinion communément admise, dans la Constantinople du XIVe siècle, sur la Lituanie : « Soumis à un unique gouvernant, les Lituaniens sont innombrables et fort braves, voire invicibles… Leur roi dépasse en force et en vaillance guerrière tous les princes chrétiens de la Rus du Nord. Et il ne paie pas le tribut aux Mongols, car son royaume est très puissant et bien fortifié5… »

La force militaire, la diplomatie, une politique dynastique permettent à la Lituanie d’étendre ses limites « d’une mer à une autre mer ». Ayant stoppé l’avance des croisés aux frontières occidentales, Olgerd dirige ses forces vers le sud-est. En 1361, il prend Kiev, déjà dépendante de la Lituanie depuis Guédimine, et place sur le trône son fils Vladimir. Poussant plus loin vers le sud, il met en déroute un détachement tatar (1362) sur la Siniaïa Voda, un affluent du Boug, et occupe la Podolie. L’État lituano-russe englobe le territoire de la Russie kiévienne. Affaiblie par des querelles intestines, la Horde préfère s’entendre avec la Lituanie. Le raid d’Olgerd contre Moscou témoigne de cet affaiblissement de l’influence du khan. En 1368, l’armée lituanienne arrive aux portes de la ville ; elle met en pièces les troupes de garde, sans toutefois parvenir à prendre Moscou. Pour la première fois depuis 1238, la capitale de la principauté est en danger. Les Tatars de Batou, alors, s’en étaient emparés et l’avaient saccagée ; à présent, c’est le prince lituanien qui y porte atteinte, accompagné du prince de Tver, Michel Alexandrovitch, pour lequel Moscou est, par excellence, la ville honnie. Les succès impressionnants de la Lituanie ne résolvent pas le principal problème : écarter le grand rival, Moscou, qui empêche la réunion de toutes les terres russes sous le sceptre d’Olgerd. L’échec des projets lituaniens s’explique avant tout par l’attitude de l’Église orthodoxe, qui soutient inconditionnellement Moscou.

En 1351, la « mort noire », la peste, qui s’est abattue en 1348-1349 sur l’Europe occidentale, pénètre dans la Rus par Pskov. En 1353, elle atteint Moscou, décimant la population. Le prince Siméon meurt avec toute sa famille (son frère, Ivan le Rouge, sera le seul survivant et occupera le trône), ainsi que le métropolite Théognoste. Avant de rendre l’âme, le métropolite a le temps de désigner son successeur, Alexis. Olgerd, lui, soutient activement le métropolite de Kiev, Théodoric, choisi par le patriarche bulgare : entre Constantinople et Tarna (capitale du patriarcat de Bulgarie), des dissenssions se font jour. Constantinople se refuse à entériner la décision de Tarna et nomme à Kiev Roman, avec lequel le prince lituanien passe un accord, dans l’espoir de contrôler la « métropole de toute la Russie ». Remarquable diplomate et fin politique, Alexis se rend à Constantinople où il obtient confirmation de sa nomination en qualité, lui aussi, de « métropolite de toute la Russie ». Officiellement, l’Église orthodoxe est dirigée, jusqu’à la mort de Roman au cours de l’hiver 1361, par deux métropolites, mais Constantinople penche nettement en faveur de Moscou et soutient Alexis.

À la fin de 1370 et au début de l’année suivante, Olgerd adresse au patriarche de Constantinople une lettre qui sera examinée à la loupe par les historiens. Le grand-duc de Lituanie y souligne la nécessité de créer une métropole pour ses possessions, qui englobent Kiev, Smolensk, Tver, Nijni-Novgorod et bien d’autres villes. Évoquant son intention de soumettre les territoires de Moscou à la Lituanie, Olgerd nomme deux ennemis mortels contre lesquels il mène une guerre incessante : Moscou et l’Ordre teutonique. La Lituanie opère dans deux directions : elle tente de se protéger des croisés qui continuent à grignoter et dévorer ses terres (en 1362, ils s’emparent de Kaunas ; en 1367 ils font une incursion à Troki, capitale de Keistutis ; en 1377, ils assiègent Vilnius…), et élargit constamment ses domaines, au détriment de Moscou. En 1368, Olgerd arrive aux portes de Moscou ; en 1370, il assiège à nouveau la capitale du prince moscovite ; en 1372, il revient pour la troisième fois. Mais aucun de ces affrontements ne résout rien. Lors de son premier raid, Olgerd reste trois jours devant Moscou, et à peine plus de temps pour le second ; pour le troisième, les droujinas lituanienne et moscovite, s’étant mesurées du regard, se séparent sans combattre.

Dans les années 1360-1370, les forces des deux adversaires sont à peu près égales. Bien plus, les parties en présence redoutent de se lancer dans de vraies actions militaires, chacune se sentant menacée sur ses arrières : pour l’une, par les Tatars, pour l’autre, par les croisés allemands. Dans ce contexte, l’Église va jouer un rôle décisif, faisant pencher l’un des plateaux de la balance. Plus que les princes moscovites, le vainqueur d’Olgerd sera le métropolite Alexis. Il obtient de Constantinople la confirmation de Vladimir-sur-la-Kliazma comme capitale de la métropole « de toute la Russie ». Mais, depuis Pierre, le métropolite a sa résidence à Moscou.

Vassili Klioutchevski écrit à propos du métropolite Alexis, devenu un saint de l’Église orthodoxe : « Issu d’une famille de boïars, habitué de tous temps à partager avec les princes la tâche de défendre et d’administrer le pays, le métropolite Alexis emprunta une voie militaire et politique ; il fut successivement le principal conseiller de trois princes moscovites, dirigea leur douma des boïars, se rendit à Saraï pour amadouer les khans, les persuadant de renoncer à leurs mauvais desseins envers la Russie, guerroya contre les ennemis de la Rus avec tous les moyens que lui offrait sa charge, punit d’excommunion les princes russes qui refusaient de se soumettre au souverain moscovite dont il défendait la suprématie, soutint avec une énergie sans faille la primauté de Moscou, comme seul centre religieux de toute la Terre russe politiquement brisée6. » L’historien met en évidence les grandes lignes d’action du métropolite Alexis : élévation de Moscou au rang de centre politique, donc religieux (ou religieux, donc politique) de la Russie ; recours, pour y parvenir, à la diplomatie (dans les rapports avec la Horde) et à la force (dont dispose l’Église) contre les ennemis de Moscou (en particulier contre les princes russes qui refusent de se soumettre à la volonté du souverain moscovite, et contre la Lituanie). Pour le métropolite Alexis, les adversaires russes de Moscou, surtout lorsqu’ils s’allient contre elle avec la Lituanie, sont autrement plus dangereux que les Tatars.

L’action d’Alexis a, entre autres résultats, celui de renforcer le pouvoir et l’influence de l’Église sur la vie spirituelle, mais aussi politique, de la principauté de Moscou. « Le pouvoir épiscopal, note, au XIXe siècle, un historien de l’Église, s’éleva à une hauteur jamais atteinte en Russie7. » Un spécialiste contemporain estime, quant à lui, que le métropolite Alexis apporta à la Russie ce que « Grégoire VII donna à l’Église de Rome, Solon à Athènes et Zarathoustra à l’Iran… ».

L’action du métropolite Alexis, aux côtés duquel Serge de Radonège, par la suite un des saints les plus vénérés de Russie, mène son œuvre pastorale, empêche Olgerd de réaliser ses projets. Il ne parvient pas, comme il l’escomptait, à obtenir que Rome déplace l’Ordre teutonique des rives de la Baltique vers les steppes de la mer Noire, pour combattre les Tatars ; il ne réussit pas non plus à reconquérir les terres lituaniennes, perdues dans la lutte contre les croisés ; il n’arrive pas, enfin, à rassembler toute la terre russe sous l’autorité de la Lituanie. Et surtout, il se révèle incapable de vaincre Moscou. Les historiens tentent d’évaluer les opportunités qui se seraient offertes au grand-duc de Lituanie, s’il s’était converti à l’orthodoxie, religion majoritaire dans ses domaines : il eût pu, alors, se substituer à Moscou, comme centre de toutes les principautés orthodoxes, et restaurer, sous l’égide de la Lituanie, la Russie kiévienne.

Olgerd ne fit pas ce choix. Son fils, Jagellon, dernier prince païen en Europe, se convertira au catholicisme et rattachera la Lituanie à la Pologne. Le conflit avec la principauté de Moscou, puis avec l’État moscovite et la Russie, se poursuivra.

Le premier round en est gagné par Moscou : elle tient bon, repousse la menace lituanienne, sans cesser d’agrandir son territoire. Olgerd meurt en 1377, laissant, nous l’avons dit, douze fils. Les héritiers de Keistutis ont également des prétentions au trône, après la mort de leur père, en 1382. La « grande confusion » qui règne en Lituanie délie les mains de Moscou.

Загрузка...