Soucieux d’assurer à son fils aîné le trône de Moscou, Vassili II l’Aveugle partage avec lui, de son vivant, la conduite de l’État ; le grand-prince, il est vrai, garde un souvenir cuisant de ce qu’il a dû lui-même endurer.
Après la mort de son père, Ivan III reprend donc sans difficultés les rênes de la principauté. Il les gardera fermement en main pendant quarante-trois ans et poursuivra la politique de son grand-père et de son père. Un siècle durant, Vassili Ier (1389-1425), Vassili II l’Aveugle (1425-1462) et Ivan III le Grand (1462-1505) poursuivent le même but, avec une stupéfiante obstination : renforcer leur pouvoir. Or, l’accroissement de l’autorité du grand-prince passe par l’élargissement du territoire placé sous sa juridiction.
À bien des égards, la politique des princes de Moscou jette les bases de l’État tsariste moscovite, puis de l’empire pétersbourgeois. Vassili Klioutchevski écrit : « L’État moscovite fut conçu au XIVe siècle, sous la pression du joug tatare, il s’édifia et s’agrandit aux XVe et XVIe siècles, dans une lutte acharnée pour sa survie, à l’ouest, au sud et au sud-est2. » L’historien américain Mark Raeff réfute l’idée d’un danger menaçant la principauté, puis l’État moscovite, entre le XIVe et le XVe siècles ; il recourt, pour caractériser la politique de Moscou, à une notion utilisée par les chercheurs spécialistes de la Rome antique : « L’impérialisme défensif », qui définit l’expansionnisme de la Ville éternelle, d’abord en Italie, puis de plus en plus loin. Car chaque territoire nouvellement acquis a des voisins qui, à leur tour, représentent une menace ; du moins faut-il le croire, puisqu’ils deviennent la cible de la prochaine conquête.