6 L’après-réformes



L’empereur Alexandre, qui hérita la Russie dans la conjoncture politique la plus défavorable, releva considérablement le prestige international de la Russie, sans verser pour cela une goutte de sang.

Sergueï WITTE.


Deux facteurs accompagnent constamment les changements sur le trône russe. Le premier est la difficile situation du pays que le nouveau tsar reçoit en héritage. Il en est ainsi avant le XIXe siècle mais, durant ce dernier siècle, la chose est particulièrement remarquable. En vingt-cinq ans de règne, Alexandre Ier épuise la Russie par des guerres incessantes, et son fils, Nicolas, prend les rênes dans les conditions les plus dures. Nicolas Ier, lui, règne trente ans, laissant à son fils un État qui a perdu la guerre et suffoque devant l’impossibilité d’effectuer des réformes dont la nécessité est perçue par tous. Après vingt-six ans sur le trône, Alexandre II, tué par une bombe terroriste, transmet à son successeur, malgré les réformes accomplies, un État à la croisée des chemins. « L’empereur Alexandre III accéda au trône en un temps de troubles », écrit son ministre des Finances, Nikolaï Boungué, qui propose un programme de réformes1.

Ce premier facteur en engendre un second : chaque nouveau tsar commence par défaire tout ce qui a été accompli par le précédent. Il suffit – là encore, en se limitant au XIXe siècle – de se rappeler quel brutal changement de politique décréta Nicolas Ier, puis de quelle façon aussi brutale Alexandre II abandonna la politique de son père.

En règle générale, la situation de la Russie se détériore rarement en fin de règne, au contraire. Mais les changements sur le trône permettent de tirer le bilan, révélant par là même au nouveau tsar des ouvertures pour tenter des améliorations.

Un troisième facteur doit être mentionné, que l’on peut également considérer comme une constante : l’impréparation de l’héritier qui, le plus souvent, se retrouve brusquement sur le trône. Alexandre Ier devient empereur après l’assassinat de son père, Nicolas Ier après le renoncement de l’héritier légitime – son frère Constantin –, Alexandre II après le décès subit de son père et Alexandre III après l’assassinat du sien.

Le pouvoir absolu dont jouit l’empereur russe donne à chaque nouveau tsar la possibilité de gouverner comme il l’entend, de voir la Russie par ses propres yeux (ou ceux de ses hommes de confiance). La personnalité du nouveau tsar compte donc parmi les facteurs déterminants pour le destin du pays.

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