Le 26 janvier 1725, Pierre le Grand s’éteint, sans avoir eu le temps de décider du sort de son État. Commencent, pourrait-on dire, les traditionnels tracas de la succession. Important, à de nombreux titres, dans l’histoire russe, le XVIIIe siècle est, dans un domaine, unique en son genre : sur les soixante-quinze ans que compte encore le siècle après la mort de Pierre, soixante-six verront le trône de l’Empire de Russie occupé par des femmes – deux Catherine, deux Anna, une Élisabeth. Le règne des représentantes du « sexe faible » permet de mettre à l’épreuve la solidité des innovations de Pierre le Grand et de la structure étatique qu’il a instaurée. Mise à l’épreuve, aussi, l’idée du pouvoir absolu qui se retrouve, de longues années durant, entre les mains de femmes ; or, dans la société russe, ces dernières commencent tout juste à sortir du terem. Une question, enfin, se pose, celle du retour au passé : est-il possible de revenir à l’époque antépétrovienne ? L’opposition à Pierre était en effet suffisamment forte pour que cette éventualité ne fût pas exclue. Le peuple n’avait pas accepté les réformes : la meilleure preuve en fut l’absence – après la mort de l’empereur – de « Faux-Pierre », alors qu’on vit fleurir les « Faux-Alexis » durant les vingt années qui suivirent la mort de l’héritier.

Piotr Tchaadaïev écrira : « Pierre nous jeta sur le terrain du progrès mondial. » Il apparut que la Russie, qu’elle le voulût ou non, était appelée à vivre sur « le terrain du progrès », car il était impossible de rebrousser chemin.

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