8 Nicolas Ier : un monarque absolu



Le despotisme existe en Russie, c’est l’essence de mon gouvernement, mais il convient à l’esprit national.

Entretien de NICOLAS Ier avec CUSTINE1.


Traditionnels dans la Russie du XVIIIe siècle, les problèmes de succession sont suscités, cette fois, par un refus catégorique de l’héritier, Constantin, de ceindre la couronne. Il en informe maintes fois son aîné : il se refuse à quitter la Pologne où il se sent bien et où il a rencontré l’amour ; il a d’ailleurs l’intention d’épouser la comtesse Johanna Grudzinska, ce qui prive automatiquement ses descendants éventuels de leurs droits au trône russe. Hanté par le souvenir du destin de son père, Constantin redoute Pétersbourg. Le 14 janvier 1822, il remet officiellement à Alexandre sa renonciation au trône. En 1823, le tsar confie au métropolite Philarète, le soin de rédiger un manifeste faisant de Nicolas l’héritier de la couronne. Approuvé par le tsar, le texte est déposé en grand secret aux archives de la cathédrale de l’Assomption à Moscou, et des copies en sont remises au Conseil d’État, au Synode et au Sénat, avec ordre de les conserver « jusqu’à ma demande personnelle » (c’est la formule notée de la main d’Alexandre sur l’enveloppe de l’original). En cas de décès de l’empereur, il conviendrait d’ouvrir les enveloppes « avant toute autre action ». Trois hommes seulement connaissent l’existence du testament d’Alexandre : Philarète, le prince Alexandre Golitsyne et le comte Araktcheïev.

Les historiens interprètent diversement le comportement d’Alexandre Ier. Les uns estiment que le tsar souhaitait lui-même renoncer au trône et attendait l’instant propice à la publication de son testament. D’autres considèrent que l’annonce du manifeste eût signifié pour Alexandre l’aveu de l’échec de tous ses espoirs et projets. D’autres, encore, émettent l’hypothèse que l’empereur ne voulait pas déclarer prématurément comme son héritier son jeune frère plein de forces, ambitieux et cruel, craignant que ne se déclenchât aussitôt une lutte pour le pouvoir.

La mort brutale d’Alexandre Ier à Taganrog laisse le pouvoir aux mains de Nicolas, puisque Constantin, que tous tiennent pour l’héritier, se trouve à Varsovie. À l’annonce de la décision d’Alexandre, Nicolas prend, à plein droit, les rênes du pays. Mais – là encore, dans la bonne tradition du XVIIIe siècle – la garde entre dans le jeu dynastique. Le gouverneur militaire de Pétersbourg, le comte Mikhaïl Miloradovitch et un groupe d’officiers supérieurs de la garde n’en démordent pas : l’héritier légitime est Constantin. Miloradovitch déclare que « les lois de l’empire n’admettent pas que l’on dispose du trône par testament2 ». Sous la pression, Nicolas prête serment à Constantin qui, lui, prête serment à Nicolas et convie toute la Pologne à faire de même. Le refus catégorique de Constantin de ceindre la couronne ne laisse plus d’autre choix : le 13 décembre, Nicolas décide de se proclamer empereur. Les pourparlers entre les frères et les hauts dignitaires de l’État se sont déroulés secrètement.

C’est alors que la mort d’Alexandre Ier et les difficultés de la succession semblent à un groupe de conspirateurs le moment le plus propice pour passer à l’action.

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