C’est à Persant-la-Rivière, qu’on a débarqué… En tant que village ça se présentait gentiment, entre deux collines et des bois… Un château avec des tourelles pour couronner le décor… Le barrage, en bas des maisons, faisait son fracas majestueux… C’était en somme bien coquet… On aurait pu choisir plus mal, même pour des vacances !… Je l’ai fait remarquer à la vieille chouette… Mais elle était pas disposée… On avait un putain de boulot pour démarrer le matériel, sortir notre moteur du fourgon… Il a fallu qu’on demande des aides…
Le chef de gare, il inspectait notre attirail. Il a cru qu’on était « forains… » qu’on arrivait pour la fête !… donner des soirées de cinéma !… Il nous jugeait sur la démise… Pour la fête, il faudrait qu’on repasse !… Elle était finie depuis quinze jours !… Des Pereires a pas voulu qu’il demeure comme ça dans l’erreur… Il l’a éclairé tout de suite ce petit nougat !… Mis parfaitement au courant de tous nos projets… Il voulait parler au notaire ! Et séance tenante !… Il s’agissait pas de rigolade ! mais de « Résolution Agricole !… » Rapidement un brelan de terreux est venu fouiner dans notre bazar… Ils s’amalgamaient autour de la bâche… Ils se faisaient mille réflexions sur nos ustensiles. On pouvait plus pousser tout ça nous trois seulement, sur la route !… C’était bien trop lourd !… On l’avait vu rue Lafayette !… C’était bien trop loin aussi notre bled agricole… Il nous fallait au moins un cheval !… Ils ont opposé les croquants tout de suite pas mal d’inertie !… Enfin on a pu partir !…
Notre grosse mignonne, une fois installée sur le siège, elle s’est rallumé une bonne pipe !… Dans l’assistance, ils se pariaient qu’elle était aussi un homme habillé en femme !…
Pour arriver à notre domaine à Blême-le-Petit, y avait encore onze kilomètres ! et avec des rampes nombreuses !… Ils nous ont prévenus à Persant… Des Pereires s’était déjà soigneusement documenté par-ci, par-là, dans les groupes… Il avait pas été long à signer tous ses papiers… Il avait houspillé le notaire… Il prospectait à présent la verte campagne du haut de la voiture… On a emmené un paysan… La carte étalée sur les genoux Courtial pendant tout le trajet a pas arrêté de causer… Il commentait chaque relief, chaque ondulation du terrain… Il recherchait les moindres ruisseaux… de loin, la main en visière… Il les retrouvait pas toujours… Il nous fit une vraie conférence qui dura au moins deux bonnes heures, cahin-caha, sur les possibilités, les retards du développement, les essors et les faiblesses agronomiques d’une région dont « l’infrastructure métallo-géodésienne » ne lui revenait pas complètement… Ah ! ça !… Il l’a dit tout de suite ! à plusieurs reprises !… Il se lancerait pas sans analyses !… Il faisait un temps magnifique.