C’est à ce moment-là qu’est survenue la tragédie chez les Cortilène. Un drame de passion au 147 du Passage. On l’a mis dans tous les journaux ; pendant huit jours une foule épaisse a défilé, grogné, ruminé, glavioté devant leur boutique.

Mme Cortilène, je l’avais vue très souvent, c’est maman qui faisait ses corsages, en Irlande « entre-deux » guipure. Je me souviens bien de ses longs cils, de ses regards pleins de douceur et des coups de châsse qu’elle me filait, même à moi, môme. Je me suis souvent branlé pour elle.

Pendant les essayages, on découvre les épaules, la peau… Aussitôt qu’elle était partie, ça manquait jamais, je bondissais aux gogs, au troisième, me taper un violent rassis. Je redescendais tout cerné.

Chez eux aussi y avait des scènes, mais alors pour la jalousie. Son mari voulait pas qu’elle sorte. C’est lui qui sortait toujours. C’était un ancien officier, un petit brun rageur. Ils faisaient commerce de caoutchouc au 147. Les drains, les instruments, les articles…

Tout le monde répétait au Passage, qu’elle était trop jolie pour tenir une boutique pareille…

Un jour, il est revenu son jaloux à l’improviste. Il l’a retrouvée, la jolie, en discussion au premier avec deux Messieurs ; ça lui a donné un choc tel, qu’il a sorti son revolver, il a tiré sur elle d’abord et puis sur lui-même, ensuite, une balle en pleine bouche. Ils sont morts dans les bras l’un de l’autre.

Ça faisait un quart d’heure à peine qu’il était sorti.

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