Une de nos pionnières, la Camille, pourtant une petite futée, s’est fait poirer trois jours plus tard dans le jardin du Presbytère, à Landrezon, une vilaine brousse de l’autre côté de la forêt. Elle se sautait juste de la cuisine avec un fromage parmesan, des écrevisses et de la prunelle… deux bouteilles… Elle avait pris ce qu’elle trouvait… Et puis les burettes de la messe… Ça c’était le plus grave ! en argent massif !… Ça c’était du flagrant délit !… Ils l’avaient tous courue la môme… Ils l’avaient coincée sur un pont… Elle en reviendrait plus la minette ! Elle était bouclée à Versailles !… Le facteur cet affreux aspic il a pas omis de venir immédiatement nous raconter… Il a fait un détour exprès !… Ça devenait extravagant notre situation… notre voltige… Il fallait pas être très mariole pour bien se gourer d’ores et déjà, que tous les mômes du phalanstère ils seraient marrons dans l’aventure… Ils se feraient paumer un par un au ravitaillement… même en décuplant les prudences… même en sortant seulement la nuit…
On s’est serré en nourriture, on a fait de plus en plus gaffe… Y avait plus lerche de margarine, ni d’huile, ni de sardines non plus… qu’on aimait énormément… C’est par le thon et les sardines qu’on a recommencé à pâtir… On pouvait plus faire de pommes frites !… On restait derrière nos persiennes… On surveillait les abords… On se méfiait d’être à la « brune » ajusté par un paysan… Il s’en montrait de temps à autre… Ils passaient avec leurs fusils le long des fenêtres, en vélo… Nous aussi on avait un flingue, un vieux canard chevrotine à deux percuteurs… et puis un pistolet à bourre… L’ancien fermier précédent il avait laissé les deux armes… Elles étaient toujours accrochées après la hotte, après un clou dans la cuistance.
Des Pereires, comme ça certain soir, comme on avait plus rien à faire et qu’on pouvait même plus sortir, il l’a redescendu le vieux flingot… il s’est mis à le nettoyer… à passer à la mèche avec une ficelle dans les deux canons… avec du pétrole… à faire marcher la gâchette… Je l’ai senti venir moi l’état de siège…