J’ai pas estimé moi, ça, d’un très bon présage !… Cette manière de hameau vide… Ces portes toujours entrebâillées… Ces deux vieux qui nous en voulaient… Ces hiboux partout…

Au contraire, lui des Pereires, il trouvait tout ça parfait !… Il se sentait tout ragaillardi par le bon air de la campagne… Il a voulu tout d’abord se vêtir convenablement… Ayant perdu son panama, il a bien fallu qu’il emprunte un chapeau à la grande chérie… Une paille souple, immense, avec une bride mentonnière… Il conserva sa redingote, la très belle grise… plus chemise souple et lavallière et puis enfin des sabots !… (qu’il a jamais bien supportés)… Des longues marches à travers les champs, il revenait toujours pieds nus… Et pour faire vraiment laboureur il quittait pas sa « pelle-bêche »… Il la portait allègrement sur son épaule droite. Nous allions ainsi, chaque tantôt, prospecter les terrains en friche, chercher un emplacement convenable pour l’ensemencement des radis.

Mme des Pereires s’occupait de son côté… C’est elle qui s’appuyait les courses, qui tenait la chaumière… enfin et surtout c’est elle qui s’envoyait le marché de Persant deux fois par semaine. Elle préparait notre tambouille… Elle rafistolait le matériel que ça devienne logeable un peu… Sans elle, on aurait plus bouffé tellement c’était un tintouin la cuisine dans l’âtre !… rien que pour se faire cuire une omelette tout ce qu’il fallait rallumer ! comme tisons ! comme braises !… Ça vous coupait l’appétit !…

Nous deux des Pereires on se levait pas de très bonne heure, il faut reconnaître !… Ça la faisait déjà râler !… Elle voulait toujours qu’on dégrouille ! Qu’on fasse quelque chose de bien utile !… Mais une fois qu’on était sortis… on avait plus envie de revenir… Elle entrait dans des autres colères… Elle se demandait la pauvre daronne ce qu’on foutait si longtemps dehors ?… Des Pereires ça lui faisait plaisir nos grandes excursions… Il découvrait tous les jours des nouveaux aspects du pays… et grâce à la carte ça devenait instructif en diable… Re-tantôt, comme ça au coin d’un bois… ou au revers d’un talus… on se planquait confortablement… dès qu’il faisait un peu de chaleur… On emportait des canettes… Pereires, il pouvait méditer… Je le dérangeais pas beaucoup… J’arrivais à somnoler… Il se parlait tout seul… Sa « pelle-bêche » en terre, enfoncée tout à côté de nous… Le temps passait gentiment… C’était un changement réel… la tranquillité… la paix des bocages !… Mais le pèze il foutait bien le camp… C’est elle maintenant qui s’inquiétait. Elle refaisait les comptes tous les soirs.

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