Un peu plus loin que nous dans le Passage y avait une famille de relieurs. Leurs enfants ne sortaient jamais.

La mère c’était une baronne, de Caravals c’était son nom. Elle voulait pas surtout que ses mômes apprennent des gros mots.

Ils jouaient ensemble toute l’année, derrière les carreaux à se mettre le nez dans la bouche et les deux mains en même temps. De teint, c’étaient des vraies endives.

Une fois par an, elle s’en allait toute seule Mme de Caravals, en vacances, faire une visite à ses cousins dans le Périgord. Elle racontait à tout le monde que ses parents venaient la chercher à la gare, avec leur « break » et quatre chevaux « hors concours ». Et puis ils traversaient ensemble des domaines à l’infini… Dans l’avenue du château les paysans accouraient, pour s’agenouiller sur leur passage… comme ça qu’elle causait.

Une année, elle a emmené ses deux mômes. Elle est revenue seule à l’hiver, beaucoup plus tard que d’habitude. Elle portait un deuil immense. On voyait plus sa figure recouverte de voiles. Elle a rien expliqué du tout. Elle est montée en haut se coucher. Elle a plus parlé à personne.

Les mômes qui ne sortaient jamais, la transition leur fut trop forte. Ils étaient morts au grand air !… Ça a fait réfléchir tout le monde une telle catastrophe. On n’a plus parlé que d’oxygène de la rue Thérèse à la Place Gaillon… Pendant plus d’un mois…


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