Y avait pas que nous dans le Passage qui tenions des guéridons, des haricots, des petits sièges, des cannelés Louis XVI. Nos concurrents, les bricoleurs, ils ont pris le parti de la Méhon. Fallait s’y attendre. Papa, il en dormait plus. Son cauchemar c’était le nettoyage du carré devant notre boutique, les dalles qu’il fallait qu’il rince tous les matins avant de partir au bureau.
Il sortait avec son seau, son balai, sa toile et en plus la petite truelle qui servait pour les étrons, à glisser dessous, les faire sauter dans la sciure. C’était la pire avanie pour un homme de son instruction. Des étrons, il en venait toujours davantage, et bien plus devant chez nous qu’ailleurs, en large comme en long. C’était sûrement un complot.
La Méhon, de sa fenêtre au premier, elle se fendait la gueule à regarder mon père se débattre dans les colombins. Elle jouissait pour toute une journée. Les voisins, ils accouraient pour compter les crottes.
On faisait des paris, qu’il pourrait pas enlever tout.
Il se dépêchait, il rentrait vite pour mettre son col et sa cravate. Il devait être avant les autres à la Coccinelle pour l’ouverture du courrier.
Le Baron Méfaise, le directeur général, comptait sur lui absolument.