M. Gorloge, il passait aussi rue de la Paix, toujours pour les rafistolages. Il aurait bien plu aux patronnes, le malheur pour plaire tout à fait c’est qu’il était pas très propre, à cause de sa barbe. Toujours il était plein de croûtes… Son « sycosis » comme il l’appelait…
Je l’ai aperçu bien souvent, dans l’abri d’une porte cochère, en train de se gratter… furieusement. Il repartait guilleret… Il avait toujours dans ses poches quelques bagues à modifier, à reprendre au numéro. Une broche à souder… celle qui ferme jamais. Une gourmette à rétrécir… un bibelot… un autre… Assez pour faire vivre notre crèche… Il était pas très gourmand.
C’est Antoine, le seul compagnon qui se tapait tous ces petits ouvrages. Gorloge, il y touchait pas. Quand je remontais les boulevards, je le croisais, je l’apercevais de très loin… Il marchait pas comme les autres… Il s’intéressait à la foule… Il biglait dans tous les sens… Je voyais son chapeau pivoter. Il était aussi très remarquable pour son gilet à petits pois… son genre mousquetaire…
« Eh bien alors Ferdinand !… Toujours d’attaque ? Toujours sur la brèche ? Ça va ? ça va bien ?…
— Très bien ! Très bien ! M. Gorloge !… »
Je me redressais pour lui répondre malgré le poids affreux de mes calebasses… L’enthousiasme faiblissait pas. Seulement à force de rien gagner, de rien vendre, de marcher toujours avec une collection si lourde, je maigrissais de plus en plus… Sauf des biceps bien entendu. Je grandissais encore des pieds. Je grandissais de l’âme… de partout… Je devenais sublime…