Kiosque

Les oiseaux des parcs s’habituent à la longue à la concurrence des kiosques à musique. Ils s’arrêtent de chanter pendant que l’orchestre joue. Écoutent-ils ? Sont-ils séduits ou choqués par des sons qui n’appartiennent pas à leur répertoire ? Sont-ils jaloux des applaudissements qui ne ponctuent jamais leurs récitals ?

Dans un kiosque de Vichy, un orchestre de femmes jouait des valses de Strauss. J’étais sous le charme. Je partis avant la fin du concert parce que j’avais rendez-vous à la terrasse d’un hôtel avec Jules Romains pour l’une de ces interviews d’été qu’aimait publier Le Figaro littéraire. Nous évoquâmes les villes auvergnates d’Ambert et d’Issoire où sept champions du canular fichent une réjouissante pagaïe (Les Copains). Pourtant très atténuée, la musique parvenait à nos oreilles. Jules Romains en conçut de l’irritation. Du coup, mon admiration pour l’écrivain, surtout pour l’auteur des Copains et de Knock, baissa d’une octave.

Aux kiosques à musique je préfère cependant les kiosques à journaux. Dans aucun autre lieu ouvert au public je ne me rends deux fois par jour, le matin et au début de l’après-midi. Cela crée des liens avec le dépositaire et vendeur. Habitué à ses gestes, à sa conversation, je suis un peu triste quand il est appelé à quitter « mon » kiosque pour un autre où il fera plus de chiffre d’affaires.

Je ne me lasse jamais de regarder les couvertures des magazines, la diversité des titres, des sujets, des accroches, des illustrations. Neuf fois sur dix, c’est une femme qui est chargée de séduire la clientèle. Le kiosque est le seul endroit où les femmes marquent une supériorité écrasante sur les hommes. On ne m’entendra pas m’en plaindre. En revanche, elles font rarement la une des quotidiens, remplis du vacarme des batailles politiques, économiques et sociales, quand ce n’est pas du bruit de la guerre. Les femmes des magazines apportent de la douceur dans un monde de brutes. Le kiosque est trompeur. Dans le tumulte de la ville, les kiosques sont des haltes pour rêveurs et utopistes.

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