Cédille

Ah ! la cédille ! Habile et malicieuse petite chose qui se glisse sous le c pour en faire un s. Exemple : soupçon. Qui pourrait s’écrire : soupson, ou çoupson, ou, plus rigolo, çoupçon. Avec deux cédilles, çoupçon paraîtrait plus suspicieux…

De tous les signes d’écriture et de ponctuation, la cédille est le plus humble puisque le seul placé sous les mots, au-dessous de la ligne de flottaison de la phrase. La cédille ressemble à un 5, à un petit crochet, à un appendice, à une minuscule chauve-souris suspendue au mot la tête en bas.

Voyez la cédille du hameçon : ne dirait-on pas un hameçon ?

Voyez la cédille du poinçon : ne croirait-on pas une sorte de poinçon ?

La cédille est la reine du transformisme. Non seulement elle change une lettre en une autre lettre, mais sa morphologie se prête aux interprétations que suggère le mot auquel elle est liée. Ainsi la supériorité de notre garçon sur ses camarades étrangers : le boy, le ragazzo, le muchacho, le Junge, etc., tient à ce qu’il a un sexe et qu’il le montre. Met-il un caleçon ? Il continue d’afficher sa virilité.

Pas grave de ne pas avoir de tire-bouchon pour ouvrir une bouteille, à condition que ce soit du jurançon ou du saint-pourçain : il est fourni avec le vin. Dommage que l’échanson n’ait pas eu cette commodité, comme il est regrettable que jadis la moisson n’ait pas proposé une serpette aux pauvres paysans.

La cédille a été inventée et employée pour des raisons pratiques, pour qu’on ne confonde pas, par exemple, le mâcon avec le maçon. Mais elle ne s’est pas résignée à cette fonction utilitaire. Comme ces garçons et filles de piste qui accèdent un jour au centre du cirque pour y faire à leur tour un numéro, la cédille est devenue une magicienne.

À propos…

Comment les frères Renaud et Gautier Capuçon ne seraient-ils pas devenus de grands musiciens, avec une clef de fa attachée à leur nom ?

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